"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (oštećen primerak)

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CHAPITRE VIII.

rature française du moyen âge, et lorsqu’il voulut rendre en français la naïveté des piesmas serbes, il fut amené à leur donner un cachet qui n’était pas le leur. La poésie occidentale et catholique du moyen âge a déteint légèrement sur la poésie serbe, orientale et orthodoxe. En 1893, le délicat poète nivernais Achille Millieu nous a donné un petit volume des Chants populaires de la Grèce, de la Serbie et du Monténégro (A. Lemerre, éditeur). M. Millien ne connaît pas le serbe et ses versions ne sont en définitive que la mise en vers de celles de M me Voïart, de Cyprien Robert et de A. Dozon ; mais nous avons déjà eu occasion de le dire si la forme que le poète leur a donnée ne ressemble en rien aux formes habituelles des chants serbes, le fond est reproduit avec un rare bonheur. Sous le souffle vivifiant du poète, les traductions un peu froides de ses prédécesseurs ont retrouvé les grâces naïves qu’elles avaient perdues; elles ne se ressemblent plus à ellesmêmes que comme brillante fleur éclose au milieu des prés rappelle une plante desséchée dans un album. Ainsi, sans prétendre que la poésie serbe ait jamais joui en France d’une immense popularité, on peut dire cependant qu’elle y était et qu’elle y est assez connue pour qu’on puisse facilement se mettre en garde contre des mystifications du genre de celle de Mérimée. On ne s’y trompe que si l’on veut bien s’y tromper 1 .

1 De nos jours encore, pareille aventure est arrivée. Un ingénieur français qui, ayant exploré la Bosnie, avait entendu parler des célèbres ballades serbes, voulut en joindre quelques-unes à son livre. (Albert Bordeaux, La Bosnie populaire, Paris, Plon-Nourrit, 1904.) On lui en fournit un certain nombre qui semblent avoir été faites par quelque poète-fonctionnaire, excepté pourtant la Mort du guzlar qui est du grand poète national Zmaï-Yovan Yovanovitch.