La Serbie

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Balfour et la question yougoslave

Paraissant tous les Samedis

pou

Le discours remarquable prononcé par M. Balfout à l'assemblée inaugurale du Comité

.… nouvelle étape dans l'évolution des conceptiot # britanniques. Par ce discours, M. Balfour est sorti en effet du cadre des formules générales, pour aborder plus directement le problème tchèque et le problème yougoslave. Pour un ministre responsable de la Grande-Bretagne, qui tient dans ses mains la direction politique de la guerre alliée, ce n'est pas une petite chose que de s'exprimer d’une façon définitive sur les questions qui sont, pour le public anglais, encore à mürir. Si l'on tient aussi compte des qualités spéciales chez M. Balfour, de ses inchnations philosophiques, on ne trouvera pas ni ses paroles obscures, ni ses conclusions équivoques. Toute la construction de ses pensées conduit inévitablement à un seul résultat : la nécessité politique et morale pour l'Europe de procéder à l'affranchissement des peuples d'Autriche-Hongrie et à leur constitution en Etats libres et indépendants. Pour les Yougoslaves, le discours de M. Balfour signifie l’acception complète, par la Grande-Bretagne, du point de vue de la Serbie, l'approbation sans condition des aspirations générales de tous les Serbes, Croates et Slovènes et l'annonce, nous osons l'espérer, de promesses et d'engagements encore plus formels, encore plus prononcés.

Les-principes directeurs contenus dans les. quatre points lus par M. Wickham Steed,

expriment tout notre programme. L'indépendance et l'union des Yougoslaves, c'est le point primordial des buts de guerre serbes. M. Balfour, en parlant de l'Autriche-Hongrie, a précisé les moments décisifs qui doivent déterminer les Alliés à résoudre la question de la Monarchie dualiste d'une façon radicale. C'est d'abord la domination brutale exercée par les Allemands et les Magyars sur des races slaves, domination obtenue jadis par des mariages, par des ruses et par la volence, mais incompatible avec les conceptions élémentaires de la civilisation moderne toute basée sur la liberté et l'indépendance. Cette situation, très précaire en ellemême, est encore aggravée du fait que l'Autriche-Hongrie s'est mise au service de l’Allemagne et de ses plans de domination mondiale. La Grande-Bretagne considère que la domination germanique doit être brisée en tout cas ; sans cela il n'y aura ni paix, ni liberté dans le monde. Quant à l’Autriche-Hongrie, M. Balfour déclare qu'à l'avenir l'esclavage polonais, tchécoslovaque et yougoslave doit prendre fin. Pour les Yougoslaves plus particulièrement, M. Balfour a terminé son discours en exprimant la foi que le ministre de Serbie verra, le jour de la

. à. ” « t à paix, non seulement son pays restauré-etindem-

nisé, mais ausei tous ses frères serbes, croates et slovènes affranchis et en pleine possession .de la liberté et de l'indépendance. Cette déclaration aura un écho considérable et elle se répercutera d'oreille en oreille jusqu’à la dernière chaumière yougoslave. La victoire alliée sur la Marne inaugure aujourd'hui une nouvelle phase dans la lutte pour les- libertés du monde. L'heure de la délivrance du cauchemar germanique approche, et avec elle l'autre arme des Germains, la ruse, sera mise en action. Ce n'est pas sans raison que M. Wickham Steed a indiqué l'ignorance alliée comme quatrième facteur de la conservation de l'Autriche. C'est là-dessus que les Autrichiens et les Magyars basent leurs plus belles espérances. Le jour de la paix sera, selon l'opinion de M. Steed, le jour le plus dangereux de toute la guerre. L'ennemi, vaincu

ational Serbe. (Yougoslave), représente une,

par la force, cherchera à s'assurer par la ruse les possibilités d’un retour à ses plans primitifs.

On-ne.reculera devant aucun moyen let l'on {. Léfnemis, s'appliquent à trouver une solution

fera l'impossible pour empécher la destruction

‘complète et définitive des fondements de la

puissance germanique. La question d’AutricheHongrie jouera le rôle principal et après elle et en connexion avec elle la question da la Bulgarie. Pour éviter ce danger, M. Steed recommande l'éducation du public et la formation d'une forte opinion publique éclairée qui serait à même d'empêcher toute politique contraire aux intérêts suprêmes de la nation. C’est sans doute le moyen le plus sûr et le plus efficace. Mais les événements se précipitent et les gouvernements eux-mêmes devraient se prémunir contre le danger des solutions ayant l'apparence de justice et servant de fait les

intérêts allemands. Pour les Yougoslaves, il

importe que le projet d'un Etat indépendant des Serbes, Croates et Slovènes, dans le sens de la déclaration de Corfou, se trouve insérit dans le programme officiel et minimum des Alliés. Ge que M. Balfour a dit à la réunion du Comité Nätional Serbe, c'est le présage, l'annonce des décisions prochaines encore plus concrètes, encore plus précises. La cause alliée ne peut qu'y gagner, et l'ennemi verra que l'autre arme lui encore moins que l'épée.

réussit

L'hommage de l'Amérique à la Serbie

Le ministre Lansing a lancé, le 27 manifeste suirant :

juillel, le

« Dimanche, le 28 juillet, tambe le 4ma anniversaire du jour où le peuple valeureux de Serbie, ne voulant pas se soumettre aux exigences préméditées et ignobles d'une agression savamment préparée, fut appelé aux armes pour défendre son lerritoire et ses foyers contre un ennemi qui cherchait à le détruire. Les Serbes réponcirent nmoblement à l'appel et opposèrent una résistance acharnée à un, pays dix fois plus grand par la population et par sés ressources. Ce n'est qu'après avoir repoussé à trois repriscs las Autrichiens, après que Ja Bulgarie et PAIlemagne fussent accourues au secours de J'Autriche, qua les troupes serbes furent contraintes de se retirer en Albanie pendant que. les. terriloires serbes étaient dévastés et les maisons piflées. Le moral du peuple serbe ne fut pas ébranlé, quoique le pays ait dû succomber sous le poids de forces supérieures. L'amour serbe de la- liberté est reslé immuable, l'agression, brutale autrichienne a laissé inaltérée sa décision ferme de sacrifier tout pour la liberté æl l'indépendance nationales.

«Le peuple des Etats-Unis, qui s’est consacré à cette grande cause qu'est le droit les peuples,

le droit de toutes les nations petites et granles Léemvivrédeur, propre vie ef. de choisir léur propre -

gouvernement el qui se souvient que les principes paur Jesqueis la Serbie a si noblemient combattu et souffert sont ceux-Ià mêmes pour lesquels les Etats-Unis combattent aujourd'hui, le peuple des Etats-Unis entend manifester d'une façon digne, à l'occasion de cet anniversaire, sa chaude sympathie pour ce peuple opprimé qui à si héroïquement résisté aux efforts allemands pour dominer. le monde. Le peuple des Etats-Unis doil miontrer par cet acte qu'il n'oublie pas le peuplefrère de fa grande race slave qui ‘dominé el opprimé. aujourdhui par, les peuples étrangers, altend son indépendance et soin unité nationale.

«On ne saurail mieux manifesler que par une célébration solennelle dans les églises. Le département d'Etat pense que le peuple des Ftats-Unis de tous les cultes voudra bien se réunir dans fes temples respectifs dimanche le 98 quillet, dans la but d'exprimer sa sympathie

au peuple serbe apprimé comme à ses frères

d'autres pays, et invoquer [a bénédiction du Dieu tout-puissant sur eux et la cause à laquelle ils se sont consacrés, »

Rédacteur en chef : Dr Lazare MARCOVITCH, professeur à l'Université de Belgrade

INSEE

JOURNAL POLITIQUE HEBDOMADAIRE

: Genève, Samedi 10 Août 1918

Suisse... 6fr. — par an

ARGHNEMENT} à

Autres pays. 9Jfr.— »

le problème yougoslave vu par les diplomates autrichiens

Les questions des nationalités qui depuis quatre ans déjà agitent l’Europe entière ont commencé enfin à intéresser aussi la diplomatie aëtrichienne. T'andis que les publicistes, savants éhonimes politiques de tous les pays, alliés et

güelque peu acceptable des problèmes soulevés par la guerre, les diplomates austro-hongrois s'adonnent plutôt à un travail purement négatif. Au lieu de s'occuper du problème difjicile des nationalités, ils Le traitent comme inexistant, et «ne s’en font pas ». C’est ainsi que le comte Burian avait déclaré au correspondant du « Berliner T'ageblatt » dans le numéro du 13 no-

‘oembre 1917, que la question yougoslave n'exis-

tait pas réellement et qu'elle ne naîtrait qu'au moment où les Serbes, Croates et Slovènes r'enonceraient à leurs noms particuliers pour adopter le nom de Yougoslaves! Jusque là, l'Autriche sera tranquille el s'appuyera sur l'épine dorsale allemande ! Le comte Burianest

le ministre des affaires étrangères ; et son opi- |

nion est donc à prendre au sérieux.

Un autre diplomate austro-hongr'ois, le baron Macchio, ancien ambassadeur, professe des idées un peu plus avancées que son chef. Dans un article publié par la « Neue Freie Presse » dü 29 juin dernier, M. Macchio reconnait qu'il existe une question yougoslave, seulement le caractère réel de cette question ne lui est pas tout à fait clair. L'ancien ambassadeur austrohongrois estime que les Serbes, Croates et Slovènes, malgré la difiérence denom, chercheront

à s'unir et à se séparer un jour de la Monarchie. Il trouve cela horrible et ne veut pas l’admettre, même théoriquement. D'autre pañt M. Macchio se rend bien compte de la gravité du mouvement

‘yougoslave, et pour l'enrayer, voiei ce qu'il

propose : Les Yougo-slaves, écrit-il, ne peuvent pas être très différents des autres peuples. À eux s'applique également l'adage: ubi bene ibi patria. Le remède à tous les eæcès du nationalisme n’est donc pas difiicile à trouver. Si l'Autriche entend repousser les exigences politiques gougoslaves, il lui faut se montrer accueillante à leurs besoins, à leurs nécessités d’amélioration économique. Construisons de nouvelles lignes de chemin de fer, bâtissons de nouveaux hôtels en Dalmatie, en Bosnie, régularisons les fleuves, développons l’agriculture, disons aux peuples slaves que nous les aimons et qu'ils n’ont aucun intérêt à s'occuper eux-mêmes de leurs territoires. Persuadons-les que c'est leur propre intérêt de rester sous le régime autrichien ou bien sous celui des Magyars, traitonsles aimablement, disons leur que l'Autriche existe pour eux et par eux, et qu’ils ne doivent pas s’enthousiasmer pour des plans fantastiques d'indépendance nationale.

M. Macchio recommande donc les moyens poétiques. La prose de Tisza, Czernin, Wekerlé et Seidler n’est pas à son goût. Seulement ce temps de querre ne semble pas trop favorable à la poésie lyrique «der schkartierten Diplomaten ».

Le réquisitoire de Stransky contre l'Autriche

Les députés tchéco-slovaques am parlement autrichien ont exigé la mise en accusation du président du Conseil Seidler, pour violation de la Constitution par son ordonnance sur les arrondissements Jen Bohême. Dans la séance du 22 juillet, le député Stransky a prononcé un grand discours où il a exposé Les motifs de l’accusation. Ce discours est une des attaques, les plus violentes qui ‘aient été jamais dirigées contre la Monarchie des Habsbougg: 5

« Je me rends parfaitement compte, a déclaré M. Stransky, qu'avec la présente motion nous ne pourrons obtenir de succès pratique, c’est-à-dire la condamnalion de l'accusé. Maïs nous nous proposons de prouver que dans cette écurie d'Augias qu'est l'Autriche nous ne sommes pas les responsables du régime, mais au contraire les victimes. Nous voulons démontrer au monde entier combien la domination étrangère allemande est devenue insupportable aux nations de la Monarchie; et comment on gouverne en Aulriche à coups d'ordonnance et au mépris des lois. Nous savons très bien que la cause du peuple tchèque ne peut être plaidée devant un juge et encore moins devant un tribunal d'État. Le peuple tchèque saura trouver les moyens de $aider lui-même. La juste cause du peuple tchèque, si injuvié et si apprimé, est sortie depuis longtemps du cadre des compétences. judiciairés. Notre motion poursuit un but double: Nous respectons. l'honneur et la légalité, même dans un milieu qui ne comprend pas la nature de ces bienfaits de lhumanité. Nous voulons rester constitutionnels, même dans un parlement autrichien. Le second but de notre motion est de démasquer devant le monde entier la mauière insupportable de la domination allemande, Nous portons accusation contre ce président du Conseil, représentant typique de PAutriche allemande, dont lextstence seule signifie une prolongation dé la guerre. Car un des principaux obstacles à la paix, c’est l'oppression des petiles: nations. Cette: vérité fut soulignée par le président Wilson. qui la mise au premier plan dé sa discussion de paix. Mais elle fût reconnue par le comte Burian luimême, qui admit récemment la nécessité que PAutriche-Hongrie se réformât.

Au lieu de cela, que fait Seïdler? Au lieu de tenter une réconciliation des peupe il proclame « le régime allemand ». L cherche à mettre le comble à la terreur allemande, régnant en Autriche de-

oo à oo

puis cinquante ans, en jelant maintenant les Tchèques comme des esclaves Jigotés devant le moloch allemand!

La question de la délimitation des arrondissements en Bohême n'est pas nouvelle pour nous. raïent jadis arriver par de tels procédés à germaniser les Tchèques, les buts qu'ils se proposent de réaliser maintenant dépassent de beaucoup le désir antérieur de former un territoire purement allemand en Bohême. Les Allemands sont arrivés, au cours de la guerre, à la conviction que Phégémonie allemande en Europe centrale et en Autriche touche à sa fin. Les Allemands voudraïent maintenant conserver ce qu’ils ont obtenu auparavant clam et precario, et c’est ainsi qu'en a conçu le plan de la ‘Contstitution d’une province de la Bohême alle mande, L’ordonnance sur les arrondissements n'est que le premier pas vers la réalisation d’un projet plus vaste, d’une séparation de la Bohême allemande du corps autrichien. Puisque les Allemands prélèreraient une Auiriche inexistante qu'une Autriche non-allemande, ils se sont préparés déjà à l'idée du démembrement de la Monarchie, Ils n’admettent pas la seule solution possible, une Confédération libre des Etats danubiens, et üls sapprêtent à effectuer leur sécession politique en retournant vers des Hohenzollérn. Les Tchèques leur laissent le chemin libre, mais les Allemands, en déménageant, ne devraient rien emporter de ce qui nexleur ‘appartient pas et une: véritable rapine serait en wffet le déta-

chement de la province Deutsch-Bæœhmen. :

On ne se demande plus aujourd'hui À l'aide de quel régime peut-on gouverner l'Autriche, maïs plutôt si:on peut y gouverner encore. Car FAutriche ne peut exister qu'aussi longtemps que ses peuples le veulent. Done chaque gouvernement devrait travailler. à une entente ‘entre les peuples. ou: \

A la question : le Ministre-Président est-il un personnage capable de commettre des crimes d'Etat? on ne peut répondre qu'affirmativement. Le Ministre-Président esl “une nature purement théâtrale Il ne gouverne pas, mais il ‘affiche; il gmet en scène et il arrange. À part sa valeur de comédien, le Ministre-Président représente aussi le type d'un criminel d'Etat. Il suffit de se rappeler la députation des provinces alpines que le Ministre-Président avait présentée à l'Empereur le 25 mai. La manière dont cette ‘délégation avait

Mais si les Aîllemands dési-

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