La Serbie

LA SERBIE

Samedi 10 Août 1918 No 20

été organisée porte le ‘caractère théâtral, le caractère d'opérette, mais le contenu des déclarations faites devant l'Empereur indiquait clairement les intentions criminelles. Les paroles du maire de Pettau, Ornik, ne sont He chose qu'une invitation à supprimer la Constitution. Un Miuistre-Président qui lolère cela est un criminel politique. Le Ministre-Président lravaille avec les Allemands et il viole les lois lorsque les Allemands le lui demandent, et lorsque ça lui plaît

Les peuples slaves d'Autriche ont exprimé d’une façon aussi claire que posSible, dans leurs déclarations connues, ce qu'ils désirent et ce qu'ils réclament. Si le Ministre-Président, au lieu de faire agir les factèéurs compétents en vue de conformer les désirs de ces peuples avec l'Etat, prélère planter devant nous un chapeau de Gessler, en soulignant que l’Autriche ne peut ‘subsister qu'avec lépine dorsale allemande, alors nous déclarons détester une telle Autriche.

- Cest devenu le principal devoir du peurple tchéco-slovaque de nuire à l’Autriche en toute wecasion qui se.présente. Nous devons cela à notre fidélité envers notre peuple et envers la couronne de Bohême. et cette fidélité ne peut se manifester autrement que par la trahison de lAutriche, Aussi sommes-nous décidés à la trahir fidèlement où nous pourrons!

EL puis: est-ce encore un Etat, celle Autriche-Hongrie ? Nullement ! C? est un rêve affreux, un cauchemar séculaire, el voilà tout! C? est une agglomir ation de huit nations irrédentistes, les Allemands çompris. C’est, en un mot, un monstre! Quel doit être, en effet, l'Etat dont les woldats tchéco- slovaques; nous le savons tous. se jetèrent hardiment contre l'ennemi pour lembrasser, pour se joindre à lui, pour créer des régiments, brigades, Corps; des armées entières, afin de pouvoir combattre contre cet élrange Etat!

En face de cette Autriche avec « l’épine dorsale allemande » nous déclarons hautement: Que nous éprouvons haine éternelle ;

Que nous la combat{trons ;

Et qu’ ne l’aide de Dieu, rons par la démolir!

Le Ministre-Président est coupable d’avoir commis par ses ordonnances un crime d'Etat. Mais je ne veux pas le déclarer poupable avant d’avoir entendu son défenseur. Ce défenseur c’est, chose élrange. le comte Czernin. Le comte Czernin s’est présenté au monde comme le seul Ministre-Président possible. IL souffre cependant de la pyromanie et il a tellement excité les Allemands par son discours que le docteur Seidler a dû procéder aussi vite que possible à l'exécution de lordonnance. Par une telle action, il a non seulement incendié son propre toit, mais encore le toit du Parlement. On avait l’impression que le Ministre-Président était un homme faible et que le comte Czernin élait le seul homme capable de sauver l'Autriche. Il n’y a qu'un aventurier politique, un Hochstapler qui peul ainsi parler.

Le Président. — Je rappelle lorateur à l’ordre, je ne peux pas admettre qu'on injurie ici des personnes qui ne peuvent se défendre.

Le député Stransky. — Le comte Czernin, comme ministre des affaires étrangères, ‘n’avait pas convoqué ‘les Délégations, et ensuite il s’est simplement enfui. IL est vrai que ce n’est pas sa faute; puisqu'il fut jeté dehors contre son gré. Toutefois je dioïs avoir l’occasion de dire

contre elle une

nous fini-

= FEUILLETON

publiquement mon opinion à un Ministre. qui: nous a offensé et injurié, publique--

ment. Le comte Czérnin, malgré ses beaux discours, a de nouveau prouvé qu'il ne comprend rien à la politique élrangère. Encore aujourd’hui, il ne sail pas .que la question tchéco-slovaque est devenue une question extérieure, internationale, Le comte Czernin a parlé dernièrement dans la Chambre des Seigneurs comme un agent de Berlin. Nous savons maintenant pourquoi nos mères versent tant de larmes, pourquoi meurent nos fils par milliers et pourquoi nous nous trouvons dans. la misère actuelle: c’est pour que l'Allemagne puisse respirer par Îles Balkans! Mais il reste à apprendre au comte Czernin que la Péninsule Balkanique sera la patrie libre ‘des peuples slaves libres, et qu’elle a pas été créée pour Servir de pou mons à l'Empire allemand. [Allemagne sera bientôt atteinte d’une affection pulmonaire, si elle ne trouve pas d’autres poumons iou si elle n’apprend pas à respirer autrement. » i

Les idées du professeur peñiéé.

Dans la «Neue Zuricher Zeitung» du 25 juillet, le professeur Péritch, de Belgrade, a publié un article favorable à l'Autriche-Hongrie. M. Péritch, contrairement à l'opinion générale de lous les Yougoslaves d'Autriche-Hongrie, estime que la monarchie dualiste est très habilable et qu'il ne faudrait pas accorder aux peuples intéressés le droit de déterminer æeuxmêmes, s'ils veulent conserver cet «Etat sans patriotisme et sans patriotes, qui a 6té formé par l'accumulalion, de huit irrédentistes, &e mionsire» — comme le député Stransky l'a qualifié; out récemment. La disproportion entre l'opinion, ‘de huit millions de Yougoslaves qui subissent les «délices» du régime austro-hongrois et l'avis d'un professeur qui jouissait en Serbie ae Loutes les libertés, est tellement énorme qu'elle nous dispense de commenter plus longuement celte attitude inconcevable sous tous les rapports.

Mais il y a dans l'article de M. Péritch lum point essentiel qui est inexact et sur lequel repose cependant toute l'argumentation de M. le professeur. M. Périteh parle en effet du parti conservateur serbe, des idées politiques de ce parti et des différences qui existent entre Les radicauæ et les conservateurs. Mais M. Péritch ne dit pas que le «parti» conservateur professanlt, selon, lui, les idées émises dans son amicle, n'existe que depuis 1911. Ce parti comptait en tout une cinquantaine 4 millions d'habitants de Serbie. cemité à l'intérieur (de la Serbie. IL m'avait pas nion plus d'organe propre de publicité. En un mot, l'influence et l'activité de ce groupe infime de 50 personnes étaient nulles el beaucoup de Serbes ignorent complètement l'existence de ce «parti».

IL y a cependant en Serbie un véritable parti politique aux tendances conservatrices, appelé parti progressiste, at qui est représenté au parlement serbe par plusieurs députés.

Mais le programme el l'activité du parli pr'ogressisle dans fa politique extérieure n'ont rien, de commun avec les idées du professeur Péritch,

Les considérations et les conclusions coinlentues dans l'article de M. Péritch ne représentent donc que les idées personnelles de l'auteur dont il assume naturellement toute [a responsabilité, I[ nous importait de constater ceci el de réduire à leur ulile mesure les considérations de Péritch que, du reste, l'opinion publique serbe indignée est unanime à réprouver avec la dernière énergie.

originaire de Bosnie, où

d'adhérents, parmi : IL m'avait aucun,

Les «traîtres » d'Autriche

La politique des Alliés embrassant les vœux les plus sacrés des peuples opprimés de l’Autriche-Hongrie, a donné d'excellents fruits. Les Alliés ne doivent pas regretter d’avoir pris définitivement parti pour ces peuples. Le commandement militaire austro-hongrois nous apprend que la dernière défaite austro-hongroise sur la Piave a été grandement facilitée par les services qu'ont rendus les transfuges yougoslaves et tchèques. Il paraît que ceux-ci ont apporté des renseignements précis sur l'offensive en préparation, ce qui a empêché la réalisation des plans ducommandementautrichien.

Naturellement, ces services des transfuges yougoslaves et tchèques ont fait

ci l'expriment douloureusement par le communiqué du commandement militaire dans un langage pastigmatiser ces

austro-hongrois qui, thétique, croit pouvoir «traîtres ».

«Divers documents montrent — dit le communiqué — avec quel oubli de l’honneur et du devoir, d’autres, dans leur aveuglement, ont pu agir... Oublieux du serment sacré prêté à la patrie et à l’empereur et roi... Les faux lauriers que leur attribue le commandement italien ne pourront pas effacer la souillure éternelle qui se rattache toujours dans l'histoire du monde, au nom d’un traître ».

Cette leçon sévère ne pourra émouvoir personne et témoigne de la rage impuissante de ne pouvoir sévir contre les « traitres ». Les peuples d’où les «traîtres » sont issus trouveront un titre de gloire en chaque action tendant à la ruine d’un Etat qui n’est que la patrie des Allemands et des Magyars, seuls autorisés à jouir des biens de ce monde, comme à exploiter librement le travail des peuples prolétaires.

Dans le moment que nous lisions le communiqué sévère du commandement austro-hongrois, les journaux slovènes reproduisaient le discours d'un député allemand, Wichtl, prononcé dans une assemblée populaire allemande en Styrie. Ce sieur Wichtl posait à ses auditeurs la question suivante : Que devons-nous faire des Slaves ? Et il répondait immédiatement ainsi: «Les décimer et supprimer leur unité nationale. Pour arriver à ce but, la guerre est le meilleur moyen. Cest pourquoi tous les bons Allemands doivent être partisans de la continuation de la guerre ».

Il a prouvé ensuite par des chilfres que les troupes allemandes, la guerre et la famine ont décimé les Slaves en Serbie, Bosnie-Herzégovine, Dalmatie, Goricie, Pologne et en Russie. En quatre ans, la guerre à anéanti au moins vingt millions de Slaves. C'était le plus beau geste stratégique et politique de l’empereur Guillaume et de Hindenburg. Si la guerre était trans-

a passé presque loute ga [quelques mots

bondir de fureur les Austro-Magyars. Ceux-

le livre de M.

portée sur le territoire tchèque, pas un

Allemand n’en serait ému. « Nous Allemands, a continué Wicht}, nous avons

supprimé la Serbie, le Monténégro et la

Russie. Nous ferons de même avec les

Slaves d'Autriche, La guerre nous est une

admirable auxiliaire pour anéantir la force de ‘résistance des Tchèques. Quant aux Yougoslaves, ils sont plus dangereux encore,

Les Tchèques sont entourés de trois côtés par des Allémands. Mais les Yougoslaves vivent en masses compactes et s'étendent loin dans les Balkans. Nous devons empécher la formation de la Yougoslavie. Nous devons décimer les Yougoslaves et les diviser encore plus. Les Slovènes et une partie des Croates doivent appartenir aux Allemands, la majorité des Croates et . Serbes passera sous la domination magyare,

une grande partie des Serbes sera partagée entre les Albanais, Grecs, Roumains et Turcs. Tant que nos plans ne seront pas réalisés, nous devons tout faire pour décimer le plus possible les Yougoslaves. Les moyens sont : écoles allemandes, guerre et famine ».

Les idées et appétits de ce Wichtl allemand ont, naturellement, gagné l’unanime sympathie de son auditoire. Ces propositions corroborent les dires du communiqué du commandement austro-hongrois.

Un simple parallèle fait comprendre quelle horrible trahison commettraient les peuples contre eux-mêmes s'ils étaient loyaux envers des maîtres qui forment des vœux comme ceux que nous venons de lire.

Les «traîtres » du Piave ont fait un bon travail et plus leur nombre sera grand dans l'avenir, plus ils rapprocheront Teurs peu-. ples de la libération de la «patrie » actuelle.

L. P,

Les voix allemandes sur l'Autriche

M. Lederer, correspondant particulier du «Berliner Tageblatt» écrit dans le numéro du 24 juillet de ce journal:

« ‘Asseyez-vous sur celle chaise et tenezvous bien.» C’est ainsi que l’empereur avait dit un jour au petit monsieur qui, vêlu d’un redingote noire el ‘avec un pincenez d’or. aux yeux paisibles restait debout devant lui. « Maintenant Vai à vous faire une communication. Vous serez ministreprésident. » La scène se passail il y a un an, à peu près, dans le cabinel. de travail de l'empereur Charles. Depuis ce temps. M. de Seidler est resté docilement sur le fauteuil du ministre-président autrichien et il $’y est cramponné, de toutes ses’ forces. Son seul’ désir consistait à ne pas tomber de cetle chaise. Non par amour particulier pour un tel poste, maïs parce que l’empereur l'y avait placé. Monsieur Seidler possédait la confiance entière de la couronne, æt cetle confiance de l’empereur envers un ministre-président dont le plus grand exploit parlementaire consis+ tail précisément dans l’art de se cacher au

Te ee ee «ge x comme cela a été fait dans Stoyanovitch, Quant au parti radical il

Deux livres sur la Serbie

Isa Serbie d'hier et de demain, par Nicoras STOYANOVITCH. Préface d'André Tardieu. (Paris, Berger-Levrault)

Mizorao Zésirex : {sa Serbie agricole e( sa démocratie. Prélace de Yves Guyot. (Paris, POS, -Levrault).

Le livre de M. Stoyanovitch se distingue des, publicalions semblables par la grande variété d'arguments et daperçus politiques, économiques el psychologiques sur la Serbie et les autres pays yougoslaves. L'auteur s'est Pr'OpOSÉ de représenter dans son ensemble le rôle, essentiel joué par la Serbie dans là lulte pour l'indépendance et l'union de tous les Serbes, Croates et Slovènes. :Il la fait en fraçant tour à Lour des tableaux somm: ires des forces nationales et sociales qui ont fait de la Serbie le Piémont yougoslave. L’ exposé porte le caractère des écrits destinés non seulement à informer, mais aussi à instruire, par une explication plus où moins documentée. De tels ouvrages sont Jes plus difficiles à écrire et ül ne faut pas | "élonner si M. Stoyanovitch, qui est plutôt un combattant qu'un écrivain politique; wa pu obtenir le même succès dans toutes les parties de son ouvrage; certes (très intéressant. Le tableau qu'il nous retrace de l'activité politique, économique gel nationale du peuplé serbe, est en effet considérabiement alourdi par un essai maladroit de représenter lFœuvre accomplie comme le fruit de tel ou tel facteur, de tel ou tel tourant poHEANS où social et non pas d’un autre M. Stoyanovitch, élant

vie, ne possède pas de connaissances approfondies sur les affaires de la Serbie, ‘ce qui excuse quelque peu le caractère superficiel et unilaléral de 8es développements: mais cela n’empêche pas de regretter les écarts auxquels il a été entraîné et qui ont inévitablement diminué a

valeur du livre. ‘ {

Sans vouloir entrer à fond dans les questions qui ont trouvé à notre avis une interprélation erronée et déterminée M. Tardieu lui-même à faire des réserves dans sa préface, nous tenons à faire des observations au sujet de Fee points importants se rapportant au progrès réalisé par la Serbie. Ainsi la distinction faite par M.fSloyade tch entre les jeunes et les vieux est d’un côté arbitraire et de lautre mal fondée. L'œuvre de régéné“alion serbe préparée dans la période de 1883 à 1903 et accomplie dans la décade 1903 à 1913, doit, en réalité, être complée presque entièrement à lPactif de ceux qui avant 1875. Certes les vieux, comme M. Stoya-

sont nés

novitch les appelle, ont eu d'excellents rollaboraleurs parmi les jeunes générations, mais ils n’en étaient pas . moins les acteurs el insligateurs principaux. L'histoire jugera de leur œuvre, qui esl encore en cours de réalisation el que la victoire alliée Gouronnere de lauriers mérilés. Toute discussion

en ce moment serait ‘non seulement prématurée, mais forcément subjective el intéressée. En second lieu, il faut relever le jugement étrange de M Stoyanowitch! sur les facteurs concrets de lévolution serbe, plus particulièrement sur de rôle et l’activité des partis politiques en Serbie. Le parli libéral, avec Yovan Ristitch, et le parti progressiste, avec Grarachanine ét Pirotchanac, ne peuvent et ne doivent pas être présentés au publie européen avec

n’a trouvé chez M. Stoyanovitch qu'une. sympathie mélangée. Cela naurait pas d'importance s'il s'agissait d’un livre e exprimant uniquement les sentiments et les opinions personnelles de l’auteur et non pas d’une élude sur la Serbie d'hier et de demain. Si le parti radical était vraïment de par sa nature, sa constilution et son activité tel que M. Stoyanovitch la dépeint, on ne pourrait pas concevoir Pœuvre remarquabie accomplie par les radicaux, fondateurs el propagaleurs de la démocratie moderne serbe. On ne peut pas passer non plus ‘sous silence l'appréciation tout à fait inexacte ‘des éléments qui ont rendu la Serbie capable d'entreprendre la tâche énorme de la libération de liout le peuple yougoslave. M. Stoyanovitch présente par exemple les oificiers serbes comme des porte-flambeaux du progrès et de l’évolution. I1 est vrai ‘que nos officiers sont admirables, mais ils sont seulement des chefs dignes de leurs soldats, dont la vaillance est légendaire. Le développement de la Serbié qui s'est manifesté aussi dans la formation d’un corps d’officiers excellents, est dû en premier lieu au travail intelligent et perspicace des hommes d'Elat serbes. L'ordre dans les finances, le développement des forces productives nationales, le raffermissement de la situation économique générale, l'armement du pays le plus complet et le plus imoderne; de Lact politique, la conclusion des accords internationaux nécessaires, le courage des grandes décisions et des responsabilités entières, voilà ce qui a permis au Royaume de Serbie de se relever et de devenir avec une rapidité extraordinaire le centre incontesté du yougoslavisme. Ce qui a été précisément l'excès presque inévilable des succès inilitaires, celte guto-ssuggestion manifestée chez quelques officiers ayant occupé ‘des postes