Le drame serbe : octobre 1915 - mars 1916

238 : LE DRAME SERBE

pieds le fleuve écumant, toutes mes batteries étaient rangées comme des condamnés devant le peloton d'exécution. Ah! monsieur, la mort de nos canons, tirant leur dernier coup, celui qui dans un recul suprême les précipitait à jamais au fond du Drin boueux avec toutes leurs culasses brillantes, avec tout leur acier sonore! Tout mon régiment sanglotait.

« Ce n’était là que le commencement du calvaire. À Scutari, il n'y avait naturellement pas de canons. Il n'y avait même pas de quoi manger. Le long de la route albanaise, quand mes hommes, affamés, harassés, s'asseyaient à terre et disaient : « Nous n'irons pas plus loin! » Je mentais encore et je leur promettais qu'à la prochaine étape il y aurait du pain. Et c'était toujours faux. Je leur disais : « A Saint-Jean-de-Medua il y aura des bateaux français ! » Et à SaintJean-de-Medua il n'y eut que les sous-marins autrichiens. Pour décider mes soldats à descendre plus bas encore, je dus leur dire : « À Durazzo, des dépôts de vivres