Le général Duphot : 1769-1797 : avec un portrait

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et tant d’autres ont rendu cette scène la plus cruelle que l’on puisse imaginer.

Je fis appeler mes domestiques : trois étaient absents; un avait été blessé. Je fis préparer les armes qui nous avaient servi en voyage, dans l’aile du palais que j’habitais. Un sentiment d’orgueil national que je ne pus vaincre, dicta à quelques-uns des officiers le projet d’aller enlever le cadavre de leur malheureux général. Ils y réussirent à l’aide de plusieurs domestiques fidèles en passant par un chemin détourné, malgré le feu incertain et hasardé que la soldatesque lâche et effrénée de Rome continuait sur leur champ de massacre. Ils trouvèrent le corps de ce brave général, qui fut naguère animé d’un si sublime héroïsme, dépouillé, percé de coups, souillé de sang, couvert de pierres.

Il était six heures du soir. Déjà deux heures s'étaient écoulées depuis le massacre de Duphot, et aucun homme du gouvernement ne paraissait encore. Au récit de l’état dans lequel on avait trouvé le cadavre de notre infortuné concitoyen, je me décidai à quitter Rome. L’indignation traça ce projet dans mon cœur. Aucune considération, aucune puissance sur la terre ne m’eût fait changer. Cependant je me résous à écrire au cardinal Doria, secrétaire d'État, la lettre dont vous trouverez ci-joint copie, n° !. Un domestique fidèle traverse la soldatesque attroupée; on suit sa route que les coups de fusils désignent dans les ténèbres à ses camarades qui l’obser-

vent avec inquiétude de quelques lucarnes du palais.