Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France
PREMIÈRE PARTIE. — CHAPITRE V 35
trouvent du reste constatés par d’autres ouvrages, dont l'autorité est indiscutée. Les historiens qui ont étudié le Pacte de Famine n’ont pas tenu assez de compte de ces explications de Linguet. Elles méritent au moins qu'on les examine et qu’on les réfute. Ils ont fait trop de cas du travail de cet écrivain lorsqu'il s’est agi de la Bastille, pour ne pas l'écouter lorsqu'il traite une question aussi grave que le Pacte de Famine.
Après avoir fait l'éloge de l'abbé Terray, Linguet ajoute : « Que reste-t-il donc à vérifier de sa vie publique et de sa gestion ministérielle ? La vente secrète, mais autorisée des grains; VENTE SUR LAQUELLE L'ÉTAT PERDOIT, et dont on a prétendu que les agens savoient s'assurer d'immenses bénéfices ‘. — Cet article est un de ceux sur lesquels la conviction semble le mieux acquise. D'abord il est avoué, même dans le compte ci-dessus, du moins quant aux pertes volontaires qui en résultoient ; et il semble ensuite demontré, par une infinite d'anecdotes authentiques. — Par exemple, on se rappelle une adresse, insérée, je ne me souviens plus en quelle année, mais sous l’administration de l'abbé Terray, dans l'AZmanach royal?, on y lisoit : M. Mirlavaud, trésorier des grains POUR le compte du Roï. — Il s’éleva des cris affreux : il étoit clair que le Roi négocioit en grains *; il étoit clair que l’âme damnée de la finance étoit aussi l'agent de ce commerce infernal, et que celui qui prenoit de force, avec des arrêts, l'argent des bourgeois agioteurs dans leurs poches, se servoit du trafic des bleds pour épuiser avec adresse ce qui restoit au peuple de ce
1 Linguet fait ici allusion à Sorin, Doumerc et Roland. Nous verrons plus loin ce qu’il faut penser de ces accusations.
2 Dans l’Almanach royal de 1774, on lit, p. 553 : Mirlavaud, trésorier des grains Aù compte du Roï, rue Saint-Martin, vis-à-vis la fontaine Maubué. F
3 Cette affaire fit, en effet, beaucoup de bruit; elle fut exploitée par les pamphlétaires. Nous lisons dans les Mémoires secrets de Bachaumont (VII, 421), à la date du fer février 1774 : « On a fait de mauvais vers sur le sieur de Mirlavaud, trésorier des grains au compte du Roi, annoncé dans l’Almanach royal de 1774. Les curieux les recueillent toujours comme faisant grande sensation en ce moment et anecdote pour l'avenir, Les voici :
Ce qu’on disait tout bas, est aujourd’hui public : Des présents de Cérès le maître fait trafic,
Et le bon Roï, loin qu’il s’en cache,
Pour que tout le monde le sache, Par son grand Almanach sans façon nous apprend Et l'adresse et le nom de son heureux agent. »