Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma, S. 101
LES DÉBUTS DE LA RÉVOLUTION 89
vint à la rescousse de son ami Palissot, et apostropha ainsi, à son tour, les comédiens, avec sa véhémence accoutumée! : « Oui, c’est vous qui avez troublé la représentation de Henri VIII, de concert avec des aristocrates et des courtisanes!
« Oui, les acteurs, les actrices de votre théâtre, les lxquais et les amants de ces demoiselles, leurs créanciers même, vos ouvreuses de loges, vos garcons de théâtre s’étaient rendus soigneusement à cette représentation, et point par esprit de curiosité! Oui, c’est ce respectable corps d'armée qui a dirigé ses principales attaques contre ie 4° actel.… Oui, les pleurs que ce 4° acte a fait couler en abondance, du moment qu’on l’a écouté, déposent contre les lâches manœuvres qu'on a employées pour faire tomber la pièce! Oui, quelques-uns d’entre vous se sont effectivement très indécemment comportés, et surtout M'e Contat l’aînée (1)! Oui, tous ces faits sont attestés par plus de trente témoins!... »
Puis, il entreprend longuement la défense de son ami Palissot, et aussi son éloge, à titre de réciprocité. Mais c’est surtout, comme bouquet final, que Chénier lance ses traits les plus agressifs et les plus mordants :
« Avant de supposer qu’on veuille ou qu’on puisse vous déshonorer, songez que vous avez parmi vous des courtisanes dévergondées, des hommes perdus de dettes, quelques-uns flétris par des banqueroutes particulières; songez-y, vous dis-je, et ne provoquez plus la franchise austère d’un écrivain qui n’a jamais attaqué personne, mais qui sait se défendre et qui vous accablera toujours sous le poids de la raison et d’une conduite irréprochable. »
(1) Cette accusation, contre une actrice très sympathique, trouva beaucoup d’incrédules.