Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma, S. 140

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et sut être comme un écho des principes de justice, de raison et de vérité, les idées politiques n'étaient pas seules soulevées, agitées etdiscutées ; la question sociale y était aussi l’objet d'assez vives attaques.

C'est la première fois qu’apparait, sur la scène, une critique mordante des utopies socialistes et communistes, mises en circulation surtout par Babœuf et ses adeptes, formant cette école, cette secte appelée le Babouvisme. (1) Voici en quels termes, ces théories antisociales étaient formulées par Piaude, ami de Nomophage et Duricrâne :

De la propriété découient à longs flots,

Les vices, les horreurs, Messieurs, tous les fléaux. Sans la propriété point de voleurs; sans elle

Point de supplices, done, la suite est naturelle, Point d'avares, les biens ne pouvant s'acquérir; D'intrigants, les emplois n'étant plus à courir;

De libertins, la feinme accorte et toute bonne Etant à tout le monde et n'étant à personne;

Point de joueurs non plus, car sous mes procédés, Tombent les fabricants de cartes et de dés.

Or, je dis : si le mal vient de ce qu'on possède, ! Done, ne plus posséder en est le sûr remède. Murs, portes et verrous, nous brisons tout cela; On n'en a plus besoin, dès que l'on en vient-là. Cette propriété n'était qu'un bien postiche; l Et puis le pauvre nait dès qu’on permet le riche. Dans votre République un pauvre bêtement | Demande au riche! abus! dans la mienne il lui prend.

(1) Caïus-Gracchus Babœuf, une des figures les plus curieuses de la Révolution, fut le propagateur ardent des plus folles utopies sur l'égalité absolue et le partage des biens, la constitution de la famille, l'éducation des garcons et des filles, ete., arrêté comme conspirateur ontre le Directoire, avec plusieurs complices, transportés à Venilôme, lui et Barthé furent condamnés à mort. En pleine audience, ils se frappèrent de leurs pans et tombèrent sanglants aux pieds des gardes. Mais,

lessés seulement, ils furent guillotinés le 27 mai 1797.