Les Cahiers des curés : étude historique d'après les brochures, les cahiers imprimés et les procès-verbaux manuscrits
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provinces, 8,810 chapitres, et environ 20,000 chapelles et prieurés sans fonctions (1).
Cette contradiction apparente, s'explique aisément. Le titre et le revenu se donnaient « en commende », y eût-il peu ou point de religieux dans la communauté. Ils devenaient, entre les mains du ministre de la Feuille des bénéfices, sous l'influence des courtisans et des courtisanes, des moyens d'augmenter la fortune des évêques nobles et de procurer la plus joyeuse existence à des cadets de famille qui n’appartenaient au clergé que par une tonsure à peine visible et par l'obligation, non d’être chaste, mais de ne se point marier.
La réforme royale n'avait fait que changer la forme des abus. Elle n’eût pu aboutir, — selon le rêve de M. Taine, que si la monarchie avait eu l'intelligence et l'honnèteté de laisser agir un d'Aguesseau où un Turgot. En matière monacale, comme en toute autre, son caprice bouleversait sans corriger, extirpant de l'esprit français jusqu'à « la notion de la loi. » (2). Les plus belles ordonnances étaient sans cesse contredites par d’autres actes royaux; le « bon plaisir » et les privilèges entravaient, rendaient irréalisable n'importe quelle mesure d'utilité publique.
En 1789, — c'est M. Taine qui le constate lui-même (3), — subsistaient tous les vices que la Commission des réquliers élait censée avoir détruits ou amendés :
« Dans tel couvent, 19 moines au lieu de 80 ; nombre de monastères réduits à 3 ou 2 habitants, même à un seul ;... plusieurs finissant, fautes de novices; parmi les religieux, une tiédeur générale; en beaucoup de maisons, du relâchement; dans quelques-unes, des scandales ; un tiers à peine,
(4) D'après l'abbé de Mesmont cité par M.Jean Wallon. (2) A, de Tocqueville, l'Ancien régime et la Révolution, p. 104. (3) Taine, La Révolution, t.r, p. 212,