Les Cahiers des curés : étude historique d'après les brochures, les cahiers imprimés et les procès-verbaux manuscrits

28 LES CAHIERS DES CURÉS

Quant aux abbayes ct chapitres nobles de femmes, ce n'étaient que de charmants refuges pour les filles bien nées, mais sans assez de dot, les demoisellès compromises, les jeunes femmes dont les maris étaient à l'armée. Les cellules formaient « autant de maisons de plaisance, dispersées autour du cloître » (1), des salons permanents, des rendez-vous incessants « de belle compagnie(2),où une supérieure de haute lignée tenait avec aisance et dextérité le sceptre de la galanterie. »

La vocation pieuse, la dévotion sincère, devenaient de plus en plus rares. Le dépérissement de l'état religieux était tel, qu'en 1775 un ecclésiastique qui en écrivait l’Apologie, cherchant à le relever, s’écriait avec désespoir : « Dans douze ou quinze ans la plupart des ordres réguliers seront absolument éteints ou réduits à un état de défaillance peu différent de la mort. (3) »

Les grandes abbayes, dit le royaliste et clérieal M. de Poncins (4), tombaient en ruines. « Celles debout ne contenaient qu'un petit nombre de religieux errant dans des cloitres presque déserts. À côté d'ordres encore florissants, de plus nombreux végétaient inutiles... Spécialement la catégorie des ordres mendiants semblait mériter (la suppression). L'Eglise elle-même en convenait. » |

L’Essai sur les mœurs et le Dictionnaire philosophique de Voltaire avaient, au nom de la morale et de l’histoire, répandu le ridicule et l’odieux contre « ces familles éternelles qui se perpétuent aux dépens de toutes les autres », contre ces moines « qui, dans leur institut, sont hors du genre humain et ont voulu gouverner le genre humain. »

La Religieuse de Diderot, lue sous le manteau, avait

(4) Dit l'abbé Mathieu, p. 68. (2) Dit M. Taine, p. 153. (3) Taiïne, II, p. 212.

(4) Les cahiers de 1189 et les vrais principes libéraux, p. 18%