Les Cahiers des curés : étude historique d'après les brochures, les cahiers imprimés et les procès-verbaux manuscrits

LES TROIS CLERGÉS 85

après l'orage, sous des formes plus ou moins dissimulées. Le commerce des rosaires, scapulaires, médailles, cordons et ceintures pieuses, est, depuis des siècles, organisé sur la plus large échelle dans les couvents.

Leur esprit industriel s'est de longue date appliqué même aux choses profanes, auxélixirs et parfums pour les dames, aux confitures, épiceries, apothicaireries et liqueurs digestives pour tout le monde.

Le mercantilisme clérical s'exerçait sur toutes les natures de fabrication et d'échange. La faillite du jésuite Lavallette, au dix-huitième siècle, en révéla l’universelle extension. On en était alors indigné. Devant les moines mendiants, offrant des images et des chapelets, se fermaient les portes des paysans du siècle dernier. On n'eût guère, sous Louis XVI, osé monter des pèlerinages tels que ceux de La Salette, de Lourdes ou de Paray-le-Monial.

On riait des religieux de Citeaux disputant à deux autres ordres le vrai « saint prépuce de Notre-Seigneur; » de la « larme du Christ, » qui rapportait 3 à 4,000 livres de rentes au couvent de la Charité; des cinq ou six têtes de saint Jean-Baptiste, adorées ici et là; du « saint nombril, » que l'évèque de Châlons dut interdire, après avoir fait ouvrir le reliquaire et constaté qu’il ne contenait rien du tout (1).

Sans doute, les menus profits de l'Eglise avaient beaucoup diminué à la fin de l'Ancien régime, grâce au septicisme des classes éclairées et aux haines rurales. Mais le casuel proprement dit devait encore être d’autant plus considérable que tous les actes de l’état civil relevaient du clergé exclusivement et que l'immense majorité des pasteurs des paroisses, réduits, comme nous le verrons, à de

(1) Voir le chapitre xxxv1 de Rozet et le Trailé des superstilions, par l'abbé Thiers.