Les Cahiers des curés : étude historique d'après les brochures, les cahiers imprimés et les procès-verbaux manuscrits

LES TROIS CLERGÉS 37

Turgot a exposé, dès le milieu du dix-huitième siècle, les motifs de l'arrêt prononcé par la Révolution française. Son fameux article de l'Encyclopédie, « Fondation, » se termine ainsi : « L'utililé publique est la loi suprème et ne doit ètre balancéeni par le respect religieux de ce qu’on appelle l'intention des fondateurs, — comme si des partieuliers ignorants et bornés avaient le droit d’enchaïîner à leurs volontés capricieuses des générations qui n'étaient point encore, — ni par la crainte de blesser les droits prétendus de certains corps, — comme si les corps particuliers avaient quelque droit vis à vis de l'Etat.

« Les citoyens ont des droits, et des droits sacrés pour le corps même de la société. Ils existent indépendamment d'elle, ils en sont les éléments essentiels et ils n’y entrent que pour se mettre, avec tous leurs droits, sous la proteclion de ces mêmes lois qui assurent leurs propriétés et leurs libertés. Mais les corps particuliers n'existent point par euxmêmes ni pour eux; ils ont été formés par la société et ils doivent cesser d'exister au moment qu'ils cessent d'être utiles. »

Au huitième siècle, Charles Martel ne s'était pas gêné pour abolir les fondations des empereurs romains ou des premiers rois francs, pour saisir les biens d'Eglise et les distribuer aux soldats avec lesquels il convertissait les païens d'Allemagne et sauvait la chrétienté en repoussant l'invasion des Sarrazins. Ce crime patriotique lui a mérilé de rester en purgatoire, malgré les vertus de Pépin le Bref, qui institua le pouvoir temporel des papes, et de Charlemagne qui recommença l'enrichissement de l'Eglise.

Louis XV eût aisément obtenu l’absolution de tous ses attentats aux mœurs vulgaires, s'il n'avait signé l'édit de 1749 ; sans doute, il doit à cette œuvre du chancelier d'Aguesseau d'avoir été précipité dans les flammes éternelles.

« Nous avons considéré, » est-il écrit dans le préambule

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