Les Cahiers des curés : étude historique d'après les brochures, les cahiers imprimés et les procès-verbaux manuscrits

44 LES CAIHIERS DES CURÉS

Comme on le voit, le roi était le principal distributeur des revenus de l'Eglise, mais il n’en opérait pas la répartition lui-même. Il la déléguait à un prélat tout à sa dévotion, qui tenait ce qu'on appelait la feuille des bénéfices, et qui était, en 1789, M. de Marbeuf, archevèque de Lyon.

Le ministère de la feuille, succursale de la cour, n’était, cela va sans dire, accessible qu'aux gens de cour, entre lesquels exclusivement il opérait, à mesure des vacances, la distribution des titres et revenus d'Eglise.

Sous le prétexte captieux que les fondations avaient dû être faites par les nobles d'autrefois, — rapporte Béranger de Hauterive, secrétaire de lévèque de Grenoble, M. de Jarente (1), — à la noblesse seule étaient réservées, non-seulement les places éminenles, mais les plus petits profits, dont le cumul pouvait faire de brillantes situations ou en arrondir de médiocres. À qui se présentait, l'on. ne demandait pas : « Quels sont vos mérites ? Avez-vous des vertus? » — Mais : «Etes-vous né? Avez-vous des aïeux? De combien de quartiers est votre noblesse ! »

Il y avait à conférer des bénéfices « à charge d'âmes » el d'autres «en commende » (2). Pour ceux-ci — qui donnaient des revenus sans imposer d'obligations — la noblesse seule importait. Pour ceux-là, il fallait, en outre, avoir été au séminaire et savoir, au besoin, expédier une messe.

On pouvait étre nommé évêque, dès vingt-sept ans, sans

(1) Haro sur la F.... des B... .{ brochure de 50 p. in-8°, 1781, Bibl. nat. Lh°° 1482.

(2) Commende, dans le droit français ancien, oulait dire « garde » ou « dépôt ». Le titulaire d'une « abbaye en commende »,n'était pas nécessairement un « régulier ; » moyennant dispense du pape et finance du roi; c'était un évèque, un chevalier de Malte, n'importe quel tonsuré privilégié qui jouissait du bénéfice sans être astreint à aucun devoir.