Les Cahiers des curés : étude historique d'après les brochures, les cahiers imprimés et les procès-verbaux manuscrits

LES TROIS CLERGÉS 47

« Une vaste portion du sol a cessé de nourrir les hommes, et le reste, mal cultivé, ne fournit qu'à peine à leurs premiers besoins... Le peuple vit au jour le jour, le pain lui manque sitôt que la récolte est mauvaise. Il y à des villages où des familles entières passent deux jours sans manver, où les affamés restent au lit la plus grande partie du jour pour souffrir moins... Littéralement on meurt de faim en France !»

Qu'il se distribue encore parfois quelques soupes, du pain, du blé, à la porte de certains couvents (1); qu'il y ait ici et là des prélats bienfaisants, donnant cent mille livres, comme l’archevèque de Paris, pour améliorer l'HôtelDieu, ou s'occupant, comme celui de Castres, de la propagalion des pommes de terre (2); sauf des exceptions très rares, la règle canonique, attribuant le quart des revenus ecclésiastiques aux pauvres, est généralement méconnue.

Les titulaires des bénéfices dépensent tout à la cour, à Paris; ils ne laissent rien ou presque rien aux paroisses dont ils perçoivent les dimes et souvent les droits féodaux.

On trouva chez feu le cardinal Soubise, notait le marquis d'Argenson (3), «trois millions d'argent comptant, ef # ne donnait rien aux pauvres! »

Il y a dans ma paroisse, écrit un curé du Berry le 6 mars 1789, « six bénéfices simples dont les titulaires sont toujours absents, et ils jouissent ensemble de 9,000 livres de revenu; je leur ai fait les plus touchantes invitations dans la calamité de l’année dernière, qui continue cette annéeci... Je n'ai reçu que deux louis d’un seul. La plupart des autres ne m'a pas même répondu (4). »

Dans telle ou telle paroisse du Toulousain, les bénédic-

(1) Tbidemn, p. 43-45.

(2) Ibid. p. 395-396.

(3) Mémoires, 5 juillet 1756.

(*) Archives Nationales B III 29, fol. 213.