Les Cahiers des curés : étude historique d'après les brochures, les cahiers imprimés et les procès-verbaux manuscrits
56 LES CAHIERS DES CURÉS
Prononçant, dans la chapelle du Louvre, le panégyrique de saint Louis, un grand vicaire de Cahors omet de faire le signe de la croix en montant en chaire, prouve l’absurdité des Croisades el « heurte sans aucun ménagement la cour de Rome. » Les prédicateurs à la mode ne s’exposent plus au ridicule en traitant Jésus-Christ de fils de Dieu; ils l’'intilulent « le législateur des chrétiens. »
Le « savoir-vivre » clérical est ainsi déterminé par le fin observateur Champfort : « Un curé doit croire un peu, sinon on le trouverait hypocrite; mais il ne doit pas non plus être sûr de son fait, on le trouverait intolérant. Au contraire, le grand vicaire peut sourire à un propos contre la religion, l’évèque en rira tout à fait, le cardinal y joindra son mot. »
Chez ceux qui, comme l'abbé Maury, vont devenir, à la Constituante, les défenseurs les plus violents des abus extirpés, le scepticisme est aussi notoire que chez ceux qui, comme l'évèque Talleyrand-Périgord, sont prêts à jeter aux orties la mitre et la soutane.
Mercier (1) se plait à signaler quele « corps quia lemoins de préjugés, c’est le clergé. » Devant Lafayette, (2) l'archevèêque de Narbonne expliquait l’opposition de son Ordre à la Révolution française, non par conviction religieuse, mais uniquement par point d'honneur: « Nous nous sommes alors conduits en vrais gentilshommes ; car, de la plupart d'entre nous, on ne peut pas dire que ce fut par religion. »
Comme, à la mort de Beaumont, Marbœuf proposait Brienne pour l'archevêché de la capitale, Louis XVI objectait: « Il faudrait au moins que l'archevêque de Paris crût en Dieu! » (3]
On demandait à un curé de Paris : — Croyez-vous que
(1) En son Tableau de Paris. (2) Mémoires, I, 58. (3) Souvenirs et portraits par le duc de Lévis, p.103a