Les Cahiers des curés : étude historique d'après les brochures, les cahiers imprimés et les procès-verbaux manuscrits

62 LES CAHIERS DES CURÉS

Cette pension, faite par le bénéficier, collateur de la cure ou décimateur de la paroisse, devait, selon la loi royale, comme selon la règle canonique, être portée au chiffre indispensable à la subsistance du prêtre exerçant le saint ministère. Mais les justes réclamations des pasteurs des paroisses n'étaient entendues ni des possesseurs des bénéfices, des accapareurs des dimes, ni des Assemblées générales du clergé. Ce fut toujours par force d'édit, ordonnance, déclaration du roi que la portion congrue fut élevée, en 1768, pour les curés à 590 livres, et pour les vicaires à 200 livres; en 1786, à 700 livres pour les premiers et à 350 pour les seconds.

Encore avait-il fallu, afin d'obtenir cette misérable dotation du bas clergé, toute l'influence des économistes, de Turgot, de Le Trosne, de Necker, — un protestant, — faisant aboutir un véritable soulèvement de la pitié publique provoqué... par Voltaire.

« Un curé, » s'écrie le grand ennemi de l'Eglise, le dénonciateur de toutes les injustices (1), — « que dis-je? un curé, un iman même, un talapoin, un brame doit avoir honnêtement de quoi vivre. Le prêtre, en tout pays, doit être nourri de l'autel, puisqu'il sert la République.

« Je dis que quiconque exerce une fonction pénible doit être bien payé de ses concitoyens; je ne dis pas qu'il doive regorger de richesses, souper comme Lucullus, être insolent comme Clodius.

« Je plains le sort d'un curé de campagne obligé de disputer une gerbe de blé à son malheureux paroissien, de plaider contre lui, d'exiger la dime des lentilles et des pois, d'être haï et de haïr, deconsumer sa misérable vie dans des querelles continuelles qui avilissent l'âme autant qu'elles l'aigrissent.

(1) Dans le Dictionnaire philosophique, au mot « Guré de campagne., »