Les Cahiers des curés : étude historique d'après les brochures, les cahiers imprimés et les procès-verbaux manuscrits

LES TROIS CLERGÉS 7

Cette situation prépondérante, le clergé catholique l'avait-il méritée par des services séculaires rendus au pays, comme le soutiennent ses apologistes (1)?

Le fait est que, depuis très-longtemps, il avait cessé d’être un instrument de civilisation quelconque. Il avait fait avorter, en France, et la Renaissance et la Réforme. IL était devenu l'obstacle principal au salut de la monarchie, la première barrière à briser si la nation voulait se développer sur les bases rationnelles de l'égalité et de la liberté. Ses usurpations infécondes lui avaient mérité les ironies et les haïnes des philosophes du dix-huitième siècle, robustes ct joyeux apôtres de la justice contre la grâce (2).

Tousles progrès de l'humanité s'étaient accomplis, depuis la fin du moyen-âge, malgré lui et contre lui. La démocratie, en naissant, devait nécessairement ou le supprimer ou le réformer.

Le supprimer, — et ainsi soit tenter un changement national de religion, soit passer d'emblée du régime de l'intolérance absolue en pleine liberté religieuse, — presque personne n’y songea dans l'immense mouvement électoral de 1788-1789.

Tout le monde du tiers-état et de la partie éclairée, généreuse de la noblesse prétendit réformer la vieille Eglise, en accommoder les dogmes et les institutions avec l'établissement d'une sociélé nouvelle, libérale et juste.

D'ailleurs, le clergé lui-même, par ses abus particuliers, s'était mis dans l'impossibilité de résister à la première contestalion légale de ses prérogatives.

(1) Comme le répète le sceptique et érudit M. H. Taine, dans son précieux et étrange ouvrage sur les Origines de la France contemporaine t. I, ch. 1.

(2) V. l'introduction à l'Hestoire de la Révolution par J. Michelet ,