Les Cahiers des curés : étude historique d'après les brochures, les cahiers imprimés et les procès-verbaux manuscrits

74 LES CAHIERS DES CURÉS

Et si l’un des plus actifs ferments de la révolte générale de la nation contre l’Ancien régime a été précisément l’exaspération des curés à portion congrue contre l'Ordre même du clergé, encore une fois, à qui la faute ? A l'Église, toujours à l'Église.

XVIIT L'AVILISSEMENT DU BAS CLERGÉ

Lorsque par hasard, et pour le service obligatoire de la Confirmation, l'évèque parcourait son diocèse, le curé, chez lequel il daignait s'arrêter, était contraint de lui donner un diner digne de Son Éminence. Le pauvre prêtre ne pouvait y ‘dépenser moins d’une année entière de son revenu. Mais il y gagnait quelquefois, si le très haut seigneur avait bien digéré, d’être transféré dans une cure plus avantageuse. Gela ne se passait, on le pense bien, que dans les gros bourgs, où le prélat faisait venir tous lesenfants à confirmer des villages des alentours. Quant aux curés, « un tas de manants, trempés dans l'encre, » il les contemplait de toute sa grandeur, ne se laissant approcher que par les trois ou quatre « qui pouvaient être de condition » He

Lorsque le prélat rentrait de tournée pastorale dans son palais de ville où son château de campagne, il secouait sa robe violette et s'écriait galamment : « N’approchez pas de moi, mesdames, je pue le curé d'une lieue à la ronde (2)! »

Que quelque affaire amenât à l'évêché un curé de campagne, on lui faisait faire antichambre des heures entières.

(1) Rozet, II, 169. (2) L'abbé Laurent, Essai sur la Réforme du clergé, 1789, p, 141