Les Cahiers des curés : étude historique d'après les brochures, les cahiers imprimés et les procès-verbaux manuscrits
LES TROIS CLÉRGÉS 79
A l'un de ces sollicileurs, un jeune évêque s’avisa un jour de demander :
— Combien y a-t-il de péchés capitaux ?
— Huit, répondit-il.
— Nous n’en connaissons que sept. Quel est donc votre huitième ?
« C'est, monseigneur, le mépris des évèques pour les prètres (1). »
Jamais noble prélat n’admettait à sa table curé qui ne fût gentilhomme. On renvoyait lesautres « manger à l'office avec le reste des valets tonsurés (2). »
Lorsque l'évêque court, Le soir, sur la route, emporté au galop de son élégante berline, le curé, qui rentre à son presbytère, « est obligé de se jeter à tätons le long d'un talus pour se garantir des pieds ct des éclaboussures. des chevaux el peut-être du fouet d’un cocher insolent. » Puis, « tout crotté, son chétif bâton d'une main et son chapeau tel quel de l'autre, » il ne saurait manquer de « saluer humblement et rapidement, à travers la portière du char clos et, doré, le hiérarque postiche ronflant sur la laine du troupeau que le pauvre curé va paissant et dont il ne lui laisse que la crotte et le suint. »
« Nous, » ajoute le narrateur de cette scène, « nous, malheureux curés à portion congrue, nous, dont le sort fait crier jusqu'aux pierres et aux chevrons de nos misérables presbylères... nous subissons des prélats qui feraient encore quelquefois faire par leurs gardes un procès au pauvre curé qui couperait dans leurs bois un bâton, son seul soutien dans ses longues courses par tout chemin. »
Toute cette lettre d'un curé de 1789, à qui les élections aux États généraux permettent de révéler l'effet
(1) Rozet, II, 171. (2) Condorcet, V, 527.