Les Cahiers des curés : étude historique d'après les brochures, les cahiers imprimés et les procès-verbaux manuscrits

76 LES CANIERS DES CÉURÉS

dans le bas clergé des mépris et des exploitations du haut clergé, « {oute cette lettre, dit M. Taine (1), est un long cri de rage; ce sont des rancunes semblables qui feront les Joseph Lebon etles Fouché. »

De l’opulence, de l'impudicité et de l'irreligion de leurs supérieurs, les prètres des paroisses n'ignorent rien. En percevant à grand'peine, soit leur tiers de dime, soit leur portion congrue, ils ont calculé ce que touche à leurs dépens Le prieur ou abbé commendataire. Le curé de SainteCroix à Bernay, en Normandie, dénonce, par exemple, qu'il est sans presbytère; que son salaire fait, au total, 1,030 livres et que l'abbé en commende titulaire de sa paroisse, où on ne le voit jamais, en tire 57,000 livres de revenu annuel. Ce qui bouleverse le prêtre de campagne, c’est que, vivant au milieu de misérables auxquels son devoir serait de distribuer laumône, il se trouve lui-même réduit à l'état de mendiant par « des richards oisifs » qui, pour parler comme M. Taine (2), « les poches pleines, l’envoient faire, avec des poches vides, un ministère de charité. »

Ge qui entretient sans cesse son irritation, c’est de n'apercevoir, sous un régime établi au rebours de l'Évangile qu'il enseigne, aucun moyen d'améliorer son sort, quelque mérite qu'il ait, quelque vertu qu'il prouve. « Nous sommes, soupire-t-il,des sergents et, comme nos pareils de l'armée, nous avons perdu l'espoir de jamais devenir officiers. »

En effet, c'est à peine si les plus maigres prébendes de quelques chapitres des collégiales sont accessibles aux curés vieux et infirmes. Sauf dans trois ou quatre petits « évêchés de laquais, » il n'y a pas d'emploi pour quiconque est sans aïeux. Le bas clergé est exclu des hautes places

(1) L'Ancien Régime, p, 98. (21 Ibid, I, 95,