Les Cahiers des curés : étude historique d'après les brochures, les cahiers imprimés et les procès-verbaux manuscrits

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bilité pontificale nia en même temps la charité, la grâce, la liberté et la justice; elle anathématisa, dans les textes faussés des prétendus novateurs, les doctrines fondamentales de saint-Augustin, de saint Paul, de Jésus-Christ; «elle effaça, comme disait Edgar Quinet (1), la lettre et l'esprit de l'Évangile pour se débarrasser des hérésies; nonseulement elle poignarda le christianisme, mais l'idée même de la religion et de Dieu. »

Cette absurde persécution du jansénisme à coups « de billets de confession » et « de lettres de cachet » fit la place nette à la philosophie qui, ne rencontrant plus un chrislianisme acceptable, chercha la vérité et la morale hors du christianisme, fonda le droit hors des religions.

D'un autre côté, les derniers chrétiens du catholicisme, désillusionnés, exaspérés, tombèrent dans la folie des miricles, dans la furie des convulsions. Ils livrèrent ainsi à une époque sceptique et clairvoyante le secret des accès de maladies nerveuses et mentales, que la naïveté des peuples enfants acceptait pour des prodiges divins.

Par la faute de leurs persécuteurs, les jansénistes ne recouvrèrent la raison que pour porter à la compagnie de Jésus un coup qui ne fut mortel qu'en apparence, préparer de longue main le soulèvement du bas clergé contre l'aristocratie bénéficiaire et provoquer la tentative d'un retour vers le christianisme primitif — ou plutôt idéal — avec le concours de la nation francaise, si l'Église romaine, pourrie, se refusait à la réforme sans schisme.

Dès la première moitié du dix-huilième siècle, au plus fort de la mélée cléricale et parlementaire causée par la Bulle Unigenitus, l'esprit janséniste inspira de mystérieuses Lettres, dans lesquelles, avec une irréfutable logique, se démontrait l'absurdité des priviléges ecclésiastiques et se

(1) Le Christianisme el la Révotution française.