Les Cahiers des curés : étude historique d'après les brochures, les cahiers imprimés et les procès-verbaux manuscrits

86 LES CAHIERS DES CURÉS

tant que je le pourrai, mes pauvres paroissiens de se ruiner en procès. Je sais assez de médecine pour leur indiquer les remèdes simples quand ils seront malades. J'ai assez de connaissance de l'agriculture pour leur donner quelques conseils utiles. Le seigneur du lieu et sa femme sont d'honnètes gens qui ne sont point dévots et qui m'aideront à faire du bien. Je me flatte que je vivrai assez heureux et qu'on ne sera pas malheureux avec moi.

« — N’êtes-vous point fâché de n'avoir point de femme ? Ce serait une grande consolation; il serait doux, après avoir prône, chanté, confessé, communié, baptisé, enterré, consolé des malades, apaisé des querelles, consumé votre journée au service du prochain, de trouver dans votre logis une femme douce, agréable et honnête qui aurait soin de votre linge et de votre personne, qui vous égaierait dans la santé, qui vous soignerait dans la maladie ; qui vous ferait de jolis enfants, dont la bonne éducation serait ulile à l'État.

« — L'Église grecque à grand soin d'encourager les curés au mariage: l'Église anglicane et les protestants ont la même sagesse; l'Église latine a une sagesse contraire; il faut m'y soumettre. Peut-être, aujourd'hui que l'esprit philosophique a fait tant de progrès, un concile ferait des lois plus favorables à l'humanité; mais, en attendant, je ne dois pas murmurer.

«— Vous êtes savant, et vous avez une éloquence sage, comment comptez-vous prêcher devant les gens de campagne? «— Comme je prècherais devant les rois. Je parlerai {oujours de morale, el jamais de controverse. Dieu me préserve d'approfondir la grâce concomitante, la grâce efficace, à laquelle on résiste, lasuffisante, qui ne suffit pas. Il y a bien des choses que mon auditoire n'entendrait pas, ni moi non plus. Je lâcherai de faire des gens de bien, el