Les Cahiers des curés : étude historique d'après les brochures, les cahiers imprimés et les procès-verbaux manuscrits

LES TROIS CLERGÉS 89

ment que les idées du citoyen de Genève eurent une influence considérable sur notre première Assemblée nationale, imposant la constitution civile du clergé catholique, et sur la Convention décrétant le culte civique de l'Étre suprême.

Notre illustre maître et ami Henri Martin (1) considère la Profession de foi du vicaire savoyard comme « la plus grande des choses que nous ait léguées le dix-huitième siècle. » Pour la raison pratique, explique-t-il, Rousseau fit autant que Descartes pour la raison pure. Son aflirmation de la conscience, « à la portée des simples, fut le Discours de la méthode de la philosophie du sentiment. »

La Profession de foi du vicuwe savoyard alla droit au cœur du peuple ; l’action immense qu’elle exerça s'aperçoit à chaque page des Cahiers de 1789, et, plus encore que dans ceux du tiers-état, dans ceux des assemblées ecclésiastiques où les curés se trouvèrent en majorité. Nous l'analyserons done, car il ne suffit pas d'en rappeler le Ütre. On ne la relit guère aujourd'hui, quoique l'Émile, qui la contient, soit encore, pour nous-mêmes, d'importance capitale : foyer toujours allumé, d'où est sortie la régénéralion de la race par l'allaitement maternel, qui a suscité l'éducation active, expérimentale de l'enfant, afin qu'il se fasse homme libre, citoyen convaincu et inventeur perpétuel.

Le Vicaire savoyard représente, pour son interlocuteur, « la vertu sans hypocrisie, l'humanité sans faiblesse, des discours toujours droits et simples, et une conduite toujours conforme à ses discours. » Émile ne le voit point « s'inquiéter si ceux qu'il aide vont à vèpres, s'ils se confessent souvent, s'ils jeünent les jours prescrits, s'ils font maigre, ni leur imposer d'autres conditions semblables, sans lesquelles, dût-on mourir de misère, on n'a nulle assistance à espérer des dévots. »

(1) Histoire de France, & XVI, p 101.