Lettres sur la révolution française : par J. Gorani, citoyen français, à son ami Ch. Pougens
6 RÉW O0 L'U TI ON préféreront votre règne équitable & pacifique , aux ora££s d’une révolution.
S'il étoit polfible, fire, que vous prifliez à cœur de détruire un gouvernement libre, j'obferverois à votre majefté que ce projet ne pourroit réuflir ; en voici les raïfons : vos foldats font, fans doute , fupérieurs aux Français en taétique & en difcipline; ils + gagneront une bataïlle, peut-être, d'eux, trois, quatre; mais les Français apprendront ainfi à vaincre, vous ferez, fire, leur maître en cet art, comme Charles XIT le fut des Rufles , qui n'avoient ni le courage, ni le civifme , ni l'intelligence , ni l’aélivité des Francais; chaque bataille que vous gagnerez vous coûtera quelques milliers d'hommes ; vous en perdrez beaucoup encore dans les petites guerres de pofte , & par la défertion qui eft facile dans une armée compolée en grande partie de foldats de toutes les nations , & qui, prefque tous, font forcés. Vous ne pourrez réparer vos pertes qu’en tirant à grands frais de nouvelles recrues de chez vous, & mille foldats vous coûteront autant qu'aux Français, cent mille : enfin, prenez garde , fire» qu'après quelques batailles gagnées, vous ne foyez dans le cas de dire comme Pyrrhus : encore une vidloire , & je füuis perdu. Souvenez-vous , fire, que les Anpglo- Américains n'étoient qu’un ramas de toutes les nations, qu'ils étoient tous neufs dans l’art de la guerre, fans officiers, fans chefs, & que cependant l'amour de la liberté leur a fait vaincre les Heflois & les Hanovriens: les meilleures troupes du monde,
Quant à la France , les forces d’une nation armée pour fa liberté, font incalculables, & fes reflources ne peuvent s'épuifer, fur-tout lorfqu’elle fe défend dans fes foyers,