Lettres sur la révolution française : par J. Gorani, citoyen français, à son ami Ch. Pougens

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& fes forces, avant qu’il fût engoué de fa nouvelle idole. La royauté, toujours digne du plus profond refpeét dans jes monarques eftimables, fut outragée dans tous Îes pays, lorfque ceux qui en étoient revêtus fe rendirent méprifables par leur inconduite , haïffables par leur tyrannie, lorfqu’ils préférèrent l'indolence au travail , arbitraire à la juflice, la violence à la modération , le vice à la vertu. il n’eft arrivé à Louis XVI, à fa femme, aux Princes de fa maïfon , que ce qui étoit déja’ arrivé à une foule d’autres fouverains qui avoient avili, comme eux, leur rang augufte par toutes fortes d’excès & de turpitudes. Croyez-vous, monfeigneur , que les Français fi doux, fi exceffivement idolâtres de leurs Rois, vous euflent jamais manqué de foi, de foumiflion & d’attachement, fi vous eufliez été aflis leur trône ?

Vous avez vifité, monfeieneur, les différens États de l'Europe; à votre retour de France, où vous avez été juftement admiré & chéri, où vous aviez obfervé les princes, les grands & les miniftres, vous avez dit, que /a cour de Verfailles étoit le féjour de tous les vices, de tous Les défordres ; comme vous avez dit des États du roi de Sardaigne , que c’étoit le pays où vous aviez \ vu Les places les plus fortes, & les troupes les plus mauvaifes, Les plus mal difciplinées ; comment donc pourriezvous eftimer aujourd’hui ces mêmes perfonnages, que vous avez fi juftement méprifé, lorfque vous les avez vu de près!

‘Depuis que vous êtes dans le voifinage de la France, comment n’avez-vous pas encore reconnu, monfeigneur ; qu’on vous en a impolé, en vous aflurant que la guerre civile y commenceroit, dès que vos troupes en approcheroïent? Comment ignorez-vous encore que depuis .

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