Lettres sur la révolution française : par J. Gorani, citoyen français, à son ami Ch. Pougens

58 . RÉVOLUTION

d’en foïcer les portes ; ils alloïent le faire ; un mot de leur Magiftrat les’ a fait retirer, On leur a depuis rendu par décret, la jouiflance d’une terrafle de ce jardin, qui eft contigüe à la falle de l’Affemblée nationale ; auflitôt le Roi piqué, a voulu rendre la jouiffance du jardin entier, le Peuple l’a refufé ; il a féparé la terraffe du refte du jardin par un fimple ruban qui fert de barrière, & que chacun refpeûe,

Ces détails exa@s, qui font connoître le grand caractère de cette Nation, vous prouvent en même temps, monfeigneur , que ce Peuple n’eft point indocile, & qu'il obéit facilement à une autorité légitime qui fait commander.

Depuis quelques jours la voix publique ne cefle de répéter que vis vous propofez, Monfeigneur, de venir diéter des loix à la France, au fein même de fa Capitale : V. A.S, ne croit pas fans doute qu’on puifle faire trembler Paris comme Berlin, avec un petit corps de troupes , tel que fut celui de Hadick? & comment, m’ayant en votre pouvoir aucune place forte, aucun magafin dans l’intérieur du Royaume, une grande armée pourroit-elle y fubfifter ? Eft-ce en fourageant comme nous le fimes pendant la guerre de fept ans, en Bohême, dans la Siléfie, la Saxe, la Luface? Mais, Monfeigneur, les fourageurs Prufliens & Autrichiens, ainfi que les vôtres, n’avaient rien à craindre de la part des payfans de l’Allemagne , accoutumés depuis fi longtems à ces avanies, & toujours tremblans à la voix & fous le bâton des foldats ; il n’en ferait pas de même des Français, qui n’ont jamais éprouvé ces brigandages, & qui, depuis le 14 juillet 1789 , ne feraient pas d'humeur de les fouffrir. Les habitans des campagnes, réunis à ceux des villes,