Lettres sur la révolution française : par J. Gorani, citoyen français, à son ami Ch. Pougens

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FRANÇAISE. 19 armés de toutes pièces, & conduits par leurs Officiers Municipaux, tomberaient fur vos fourageurs , les tueraient, ou plutôt ils en favoriferaient la défertion, pour laquelleles troupes Allemandes & fur-tout les Prufliennes ont beaucoup de penchans. Eh ! Monfeigneur, combien ce penchant doit augmenter, depuis le Décret qui leur aflure la liberté, la fortune & le bonheur en France ! ce Décret doit vous faire faire de férieufes réflexions. Vous feriez donc obligé Monfeigneur, de traîner avec votre artillerie, une multitude de chariots chargés de vivres & de fourages, qui tiendraient un efpace de plus de deux lieues, & ce convoi, excefliyement difpendieux, expofé fur la route au pillage, à l'incendie, au maffacre , affoiblirait beaucoup votre armée.

Suppofons que vous parvinfliez, Monfeigneur, à amener une grande armée à Paris, votre tâche ne ferait pas remplie; vous y trouveriez au moins un million d’hom= mes robuftes & bien armés, parce que Paris, par fa confommation, faïfant vivre les habitans de vingt lieues à la ronde, ils ont le plus grand intérét de voler à fon fecours, & de lui porter des fubfiftances qui vous manqueraient. 200 mille hommes ne vous fuffiräient pas pour empêcher cette communication avec une ville de fi grande étendue; que de rifques vous courriez, Monfeigneur, au milieu de ce peuple immenfe, enivré du fanatifme de la liberté! & ne pourrait-il pas s’y trouver quelque Scévola? à coupfür, Monfeigneur, les Francais ne reflembleraïent point à ceux que vous avez battus autrefois ; ni à vos dociles & païfibles Allemands.

Je fuppofe encore , Monfeigneur , que vous foumettiez les Parifiens, cela ne fuffrait pas pour opérer une contre - révolution en France; çar pendant que vous

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