Lettres sur la révolution française : par J. Gorani, citoyen français, à son ami Ch. Pougens
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qu’il avoit dérangé quelques-uns de vos cheveux, & j'en ai bienri; je vous ai vu déployer toutes vos grâces en jouant vos faintes farces; je vousai vu, le jour de Pâques, deffiner à grands traits votre bénédiction dans la croiïfée du parois de Saint-Pierre, 6 la diftribuer généreufement aux quatre parties du monde, fans qu'aucune s’en doutât ; les peintres vous avoient drapé de manière que vous paroïffiez être à genoux, randis que vous étiez aflis commodément;, enforte que tout en vous étoit impoñture, & je ne pus m'empêcher d’avouer que je n’avois connu de ma vie de chartatan auffi habile que vous , & que certainement vous furpafliez, au jeu de fa pantomime, les meilleurs aéteurs de Paris, de Londres, & les Grecs, eux-mêmes, inventeurs de cet art.
Enfin , faint-père, vous quittôtes la cour de Vienne fans avoir pu en rien obtenir; mais l’éleéteur de Bavière, auffi ignorant que fuperftitieux , vous dédommagea , chez lui, du mauvais accueil que vous avoit fait l’empereur, & ce furent fes feuls honneurs que vous recûtes dans ce voyage , car à Venife , la république vous renouvella, verbalement , & par des faits, le mépris qu’elle eut toujours pour les papes, dans les temps même de leur toute puiffance.
Toutes les humiliations que vous aviez recues, & bien méritées, dans ce voyage extravagant , faint-père, auroïent dû vous convaincre du grand difcrédit dans lequel font tombés le facerdoce & la papauté, & vous auriez dû en conclure que ce vieil édifice ne pouvoit plus fe foutenir que par des excès de prudence, & qu’en lui faïfant éviter les moindres chocs ; maïs non , ces lecons vous corrigèrent fi peu, que quelque-temps après, des prélats allemands ayant fait dans un colfoque de vigou-
eux