Louis XVI et la Révolution

278 LOUIS XVI ET LA RÉVOLUTION.

poignarder un grand monarque, vous auriez laissé à Louis XVI sa bonne part de souveraineté ; l’Assemblée nationale a bien fait davantage. La majorité, pénétrée de notre esprit, a tué la royauté. Je conviens avec vous que cela rend désormais en France les régicides impossibles; mais je n’ai pas osé faire ma protestation. » C’est bien ce qui désespère l’amie de Robespierre, Suzanne Forber, dont les Actes insèrent les lettres, rédigées à leur manière, bien entendu : « Nous n’aurons pas le plaisir de voir exécuter un exécutif. » Ce ne sont pas seulement les révolutionnaires à qui les Apôtres prêtent ce langage et ces plaisanteries lugubres. Des amis maladroits publient dans les Actes des craintes qui se réaliseront, et qui sont des exeitations inconscientes; un royaliste qui signe Philobasile, observe qu’un roi emprisonné est bien près d’être un roi décapité, et que l’Angleterre a donné de dangereux exemples : « On a remarqué de tout temps qu'il n’y a qu'un intervalle très court entre l’emprisonnement des rois et leur tombeau. Ce peu de mots renferme bien des choses, et fait naître de grandes réflexions qui n’échapperont sûrement pas à nos législateurs, s’ils veulent préserver nos neveux de ces tragiques spectacles que l'Angleterre a donnés à l’Europe, et dont la nation française n’a point encore eu à rougir. » Les Apôtres ne connaissaient pas apparemment le proverbe allemand : à force de peindre le diable sur la muraille, on le fait paraître.

Rédigés en excellent français, usant fréquemment de la parodie littéraire, et très joliment, renfermant des idées vraiment ingénieuses, les Actes des Apôtres nous amusent encore quelquefois maintenant; voici un serment civique à double sens, très ingénieux :

À la nouvelle loi je veux étre fidèle

Je renonce dans l'âme au régime ancien ;

Comme article de foi je crois La loi nouvelle Je crois celle qu'on blâme opposée à tout bien :