Louis XVI et la Révolution

298 * LOUIS XVI ET LA RÉVOLUTION.

« Ah! Madame, que le Roi eût été bien conduit, s’il eût favorisé sincèrement la Révolution! Les troubles qui nous agitent n’existeraient pas, et déjà la Constitution marcherait, les ennemis du dehors nous respecteraient; le peuple n’est que trop porté à chérir et idolâtrer ses rois. » Pétion ne comprenait pas que le roi venait de hâter la maturité politique du pays. On put s’en apercevoir à l’arrivée à Paris : « Le peuple, dit Ferrières, gardait un profond silence : il voyait passer Louis XVI sans éprouver le moindre sentiment de pitié. Les gardes nationales criaient : « Enfoncez vos chapeaux, restez couverts ; il va paraître devant ses juges! » Cependant Louis XVI n’essuya aucune insulte personnelle. On avait placardé le matin au faubourg Saint-Antoine : « Quiconque applaudira le roi sera bâtonné, quiconque l’insultera sera pendu. »

On n'eut besoin de bätonner personne. Les royalistes en effet ne brillent pas à ce moment par leur fidélité à leur roi malheureux. Avant Varennes, c’est un club royaliste, le Salon français qui commence à brouiller le roi, la reine et le comte d’Artvuis : « Ah! monseigneur, écrit Vaudreuil au frère du roi, le 14 août 1790, ah! monseigneur, que ces lettres imprudentes du Salon français m'affligent, et que je suis effrayé de voir qu'on veut semer la défiance et la désunion entre le roi, la reine et vous, et qu'on n’y réussit que trop. » Après Varennes, les nobles, furieux de l’insuccès du voyage, se déchaînent contre Louis XVI et le rendent responsable de tout, au témoignage du baron de Staël-Holstein; celui-ci écrit au roi de Suède, le 30 juin 1791 : « Les aristocrates qui, avec raison, sont au désespoir du mauvais succès qu'a eu le départ du roi, en disent beaucoup de mal et l’accusent de tous les malheurs qui viennent d'arriver. » Dans l’armée même, quelques chefs s’éloignent d’un roi qui ne sait pas se défendre. L'auteur de la Correspondance secrète raconte qu’en septembre un officier de dragons dit, en pleine table d’hôte, après avoir brisé son verre : « Je suis royaliste, mais je ne suis pas Louis-seizisté. »