Mémoire sur la Bastille

ANECDOTES ET CITATIONS 261

ce que c’étoit que la poudre de traiter; la plupart nous répondoient: «C’est de la poudre de traître. »

Les choses en étoient là, lorsque M. le marquis de La Fayette vint à notre aide.

On avoit déjà forcé l'Hôtel de ville ; on y demandoit impérieusement la tête du marquis de La Salle : heureusement il n’y étoit pas, mais on n’en vouloit rien croire.

Notre général, qui sait manier le peuple et le mener où il veut sans le heurter, mit l’affaire en délibération. Il écoute avec patience, il répond à tout le monde, et même avec tant de gaieté qu’il fit rire ceux qui en avoient le moins d’envie. Quand on est maître de soi, on est le plus souvent maître des autres 2.

La nuit commençoit, le tumulte augmentoit, et rien ne finissoit. Bien des gens prétendoient que, de manière ou d’autre, la catastrophe seroit sanglante. Malgré la confiance que m’inspiroit M. de La Fayette, je ne concevois pas, je l’avoue, comment il pourroit s’en tirer. Les scènes précédentes nous avoient avertis que le peuple avoit des vo-

1. La poudre de traite ne sert qu’au commerce de la côte de Guinée, et se vend dans les ports pour cette destination précise : elle est inférieure en qualité aux autres poudres, (Dusaulx.)

2: .…... Qui sibi fidit

Dux regit examen. (HorAT.) (Dusaulx.)