Napoléon Bonaparte, drame en six actes et en vingt-trois tableaux

38 LE MAGASIN THÉATRAL,

terez pourtant ! (4 Lafeuillade, qui porte la main à son épée.) Oh! laissez votre épée où elle est, jeune homme ; elle y est bien. (4u ministre.) Vous m'écouterez, car je vous parle au nom de soixante mille braves, qui comme moi meurent de faim. Vous avez fait plus de mal à la France depuis un an, que nos ennemis eux-mêmes n’osaient le désirer; mais prenez-y garde ! on n’essaie pas impunément d’avilir une nation, et vous l'avez essayé. Vous avez prodigué à des espions et à des valets cette croix que nous n’osons plus porter, de peur d’être confondus avec eux... Malheur à vous! Vous avez substitué aux enfans de la patrie des hommes qu’elle ne connaît pas.

nés à l'étranger, et qui ne sauront pas la défendre contre l'étranger... Malheur à vous! Vous avez débaptisé nos victoires, renversé nos arcs de triomphe et remplacé Kléber et Desaix par Cadoudal et Pichegru. . Malheur à vous! Mais Le tems n’est pas loin où vous voudrez par toutes vos larmes payer nos larmes. Ce ne sera pas assez! car nous voudrons du sang. Malheur, malheur à vous! Allez, allez maintenant.

LE MINISTRE. Gendarmes, arrêtez cet homme.

LE MILITAIRE, Au moins me voilà sûr d’avoir du pain.

(Le théâtre change.)

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Dix-septième Œableau.

L'ILE D’ELBE.

Porto-Ferrajo, dimanche , 26 février 1815,—ÆEn vue le brick ?’Znconstant,

SCENE VII.

NAPOLEON , LORRAIN , montant la garde,

NApOLÉON. Eh bien! mon vieux grognard, tu ne dis rien?

LORRAIN. On ne parle pas sous les armes. NAPOLÉON, Ah ! ah! tu es sévère sur la consigne...

LORRAIN. Il y a quelque part vingt-deux ans, c'était à Toulon, que le duc... je ne me rappelle pas son nom de duc... Junot enfin, me fit faire deux jours de garde-ducamp pour avoir chante :

Ah ! letriste élat…

Vous n’étiez alors que commandant d’artillerie, et moi simple conscrit ; nous avons fait notre chemin depuis ce tems.….

NAPOLÉON. Eh bien! je te relève de ta consigne. Î’énnuies-tu ici, voyons?

LORRAIN. Fastidieusement.

NAPOLÉON. Veux-tu retourner en France?

LORRAIN. Avec vous ?

NAPOLÉON. Avec moi, tu sais bien que c’est impossible. Sans moi ?

LORRAIN. Sans vous! non.

NAPOLÉON. Etcrois-tu que tes camarades pensent comme toi ?

LORRAIX. Tous.

NAPOLÉON. Tu as pourtant des parens en France ?.:,

LORRAIN Unenfant n’a pas de plus pro: chepareutque Son père... et, cré coquin !

vous êtes notre père à nous , ou je ne m'y connais pas. Je crois bien aussi que j'ai quelque part une vieille mère ;.. y a à peu près quatorze ans que j'ai reçu de ses nouvelles… J'étais en Italie... Beau pays, mille dieux ! pas trop chaud , pas trop froid ; et des victoires pour se rafraîchir! La v'là sa lettre : je me la suis fait lire vingt fois, vu que je ne sais pas lire moi-meme... Tant ya que depuis Marengo je n’ai plusentendu parler de la vieille. Elle m’aura peutêtre bien écrit poste restante à Vienne ou à Moscou ; mais nous passions toujours si vite, qu'on n'avait pas le tems d’aller au bureau., Je ne sais plus où elle a établi son bivouac maintenant ; mais pourvu que le bon Dieu lui envoie tous les jours sa ration de pain et un peu de cendre chaude dans sa chaufferette , elle ira , elle ira la bonne femme... Ah! ne parlons plus de ça l'ne parlons plus de ça!

nArOLÉON. Nous avons une grande revue sur le port aujourd’hui.

LORRAIN. Oui, oui; ça fait toujours

plaisir. Ah ! j'avoue que nous avions be-

soin que le goûtvousen reprit. Sire, je n’étais pas content de vous , moi !

NAPOLÉON. Bah!

LORRAIN. Ah! bon, que je disais : le v’là encore dans son jardin , qui bêche et qui greffe! Cré coquin! peut-on oublier comme ça ce qu'on se doit à soi-même... Quand on a été quelque chose enfin!

NAPOLÉGN. Ah! tu disais cela !..... (Se retournant. ) Qu'est-ce que c'est donc que