Napoléon Bonaparte, drame en six actes et en vingt-trois tableaux

, NAPOLÉON, 39

cette barque ? peut-être vient-elle de France ?

LorRaAIN. Oui, quelque contrebandier de Livourne, quelque pêcheurdela Spezzia; mais de la France... (17 fredonne : Va t’en voir s'ils viennent, Jean, etc. S’interrompant.) Qui vive?

NAPOLÉON. Attends , attends; c’est un ani, je crois.

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SCENE VIII.

NAPOLÉON, LORRAIN, L'ESPION,

L’ESPION. Toulon et liberté!

NAPOLÉON. Oui; ne laisse approcher personne : j'ai à parler à cet homme. ( 4 l’espion.) Cest toi.

L’ESPION. Oui , sire.

NAPOLÉON. D'où viens-tu?.…

L’ESPiON. De France.

NAPOLÉON. Directement?

L’ESPION. Non ; par Milan et la Spezzia.

NAPOLÉON. Qu’avais-tu vu à Paris ?

L'ESPION. Regnault et.…

(1 lui parle bas.)

NAPOLÉON. Que t'ont-ils donné pour moi ?

L’ESPION, Rien; ils ont eu peur que je ne fusse pris et fouillé.

NAPOLÉON. Dis qu'ils m'ont oublié comme les autres.

L’ESPION. Dites pas plus que les autres.

NAPOLÉON. On pense donc encore à moi en France?

L'ESPION. Toujours.

NAPOLÉON , s’échauffant petit à petit. On y fait sur moi beaucoup de fables , de mensonges |... tantôt on ditque je suis fou, tantôt que je suis malade... On prétend qu’on veut me transporter à Sainte-Hélène... Je ne leur conseille pas. J’ai des vivres pour six mois, des canons et des hommes pour me défendre. Les rois ne voudraient pas se déshonorer.' Ils savent bien qu’en deux ans Le climat m’y assassinerait. Comment se trouve-t-on en France des Bourbons?

L’ESPION. Sire, ils n’ont point réalisé l’attente des Français : chaque jour le nombre desmécontens s’augmente.

NAPOLÉON , s’échauffunt. Je croyais , lorsque j'abdiquais, que les Bourbons, instruits et corrigés par le malheur , ne retomberaient pas dans les fautes qui les avaient perdus en 89. J’espérais que le roi gouvernerait en bonhomme. C'était le seul moyen de se faire pardonner les Cosaques. Depuis qu’ils ont remis le pied eu France, ils n’ont fait que des sottises. Leur traité du 23 avril m'a profondément indigné!

D'un trait de plume ‘ils ont dépouillé la France de la Belgique : les lühites de la France, c’est le Rhin. C’est Talleyrand qui leur à fait faire cette infamie ! On lui aura donné de l’argent. La paix est facile à ces conditions, Si j'avais voulu comme eux:signer la ruine ou la honte de la France , ils ne seraient point sur mon trône! mais j'aurais mieux aimé me trancherla main! j'ai préféré renoncer au trône que de le conserver aux dépens de ma gloire et de l’honneur français. Une couronne déshonorée est un horrible fardeau. Mes ennemis ont dit que je ne voulais pas la paix ; ils m'ont représenté comme un misérable fou , avide de sang et de carnage ; mais le monde connaîtra ia vérité : on saura de quel côté fut l’envie de verser le sang. Si j'avais été possédé de la rage de la guerre, J'aurais pu me retirer avec mon armée audelà de la Loire, et savourer à mon aise la guerre des montagnes... [ls m'ont offert l'Italie pour prix de mon abdication ; jel’ai refusée : quand on a régné sur la F rance, on ne doit pas régner ailleurs. (Une pause.) Mes généraux vont-ils à la cour? Ils doivent y faire une triste figure !.…

L’ESPION. Îls sont irrités de se voir préférer les émigrés, qui n’ont jamais entendu le bruit du canon.

NAPOLÉON. Les émigrés seront toujours les mêmes. Tant qu'il ne s’est agi que de faire la belle jambe dans mon antichambre, j'en ai eu plus que je n’en ai voulu. Quand il a fallu montrer de l’homme, ils se sont sauvés comme des... J’ai fait une grande faute en rappelant en France cette race antinationale...….. Que disent de moï les soldats ?

L'ESPION. Ils disent que l’on reverra le petit caporal, et quand on les force de crier Vive le roi , ils ajoutent tont bas: de Rorne….

NAPOLÉON. Îls m’aiment donc toujours ? Quedisent-ils denos défaites. je veux dire de nos malheurs ?

L’ESPION. Îls disent que la France a été vendue. ,

NAPOLEON,. Ils ont raison ! Sans l’infâme défection du duc de. je ne lui ferai pas l'honneur de prononcer son nom, les alliés étaient tous perdus. il n’en serait pas échappé un seul... Ils aufaïent eu aussi leur vingt-neuvième bulletin ! Le maréchal est un misérable. IL s’est balafré pour jamais ; il a perdu son pays et livré son prince ; tout son sang ne suffirait pas pour expier le mal qu'il a faitàla France. C’est sa mémoire qu’il me faut! j’y attachérai le mot frahison, et je la dévouerai à l’exécra-