Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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semblée, y était personnellement intéressé. Il s’éleva de vifs débats entre ceux qui prétendaient que le roi d’Espagne avait des droits à la couronne de France et ceux qui soutenaientle contraire; et l'assemblée les termina en déclarant qu’elle ne préjugeait rien surles renonciations. Elle abandonna le jugement de cette question à l'avenir, à la volonté nationale, et sur-tout au canon, qui vide d’ordinaire ces sortes de querelles. L'assemblée décréta aussi plusieurs articles constitutionnels, qui, selon les principes que j'ai exposés tout-à-l’heure, devaient être purement acceptés et non pas sanctionnés par le roi. Ils lui furent donc présentés avec la déclaration des droits. Mais c’est encore ici qu’on voulut arrêter l'assemblée nationale avantqu’elle pûtéléver plus haut l'édifice de la constitution. De quelques nuages que soient enveloppés les événemens que je vais rapporter en peu de mots, on ne peut pas se cacher que ce fut encore une faute des prétendus amis du roi qui les occasionna. Les articles constitutionnels, cette déclaration des droits, étaient au fond la constitution; et tout peuple qui voudra être libre pourra y puiser la sienne. Il fallait donc soustraire le roi à cette loi nationale, tandis que son conseil en arrêterait l'effet en lui en faisant retarder l'acceptation. C’est ce qu'on se proposa d’exécuter.

La liberté de la presse, que l'assemblée avait établie par le fait, futémployée contre elle-même. On peut assurer que, pendant plus de deux ans, il a paru cinq ou six brochures par jour contre l'assemblée nationale, ce qui en porte le nombre à plusieurs milliers. Elle les dédaignait, elles les laissait vendre à sa porte et distribuer même dans son enceinte. On y renouvela, en cette occasion, pour le roi, toutes ces feintesmarques de pitié qu’on jugea propres à aliéner les cœurs des peuples de l'assemblée qu'ils aimaient. En le représantant comme un martyr exposé à des brigands, onceroyait faire approuver sa fuite quand elle serait exécutée. M. d'Estaing annonça à la reine qu’un projet était déjà connu de quelques personnes d'enlever le roi, ou de l’engager de lui-même à se retirer à Metz; que M. de Bouillé devait l'y soutenir; qu’il se faisait une souscription parmi la noblesse etle clergé; que M. de Breteuil conduisait le projet ; qu'on citait- M. de Mercy; que l'ambassadeur d'Espagne lui avait avoué que quelqu'un de considérable et digne de foi lui avait dit qu’on lui avait proposé de signer l’association : il faisait considérer à la reine les suites affreuses de ce projet, qui ne conduirait pas à moins qu’à la guerre civile , et lui demandaïtune audience. Onignore ce que cette lettre produisit sur l'esprit de la reine, et par quels motifs M. d'Estaing lui-même se porta à faire venir des troupes à Versailles, On y