Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

CONSTITUANTE. 63

Le bruit, et, pour me servir du terme propre, le vacarme fut si grand, que la nouvelle s’en étant répandue dans Versailles, le peuple accourut pour être témoin de cette scandaleuse scène , qui néanmoins fut répétée trois jours après, dans Un autre repas donné à l’hôtel des gardes-du-corps: misérables

folies qui allaient irriter la France entière contre la cour et ein

ou six cents imprudens ! La reine fut soupconnée d’être à la tête du projet. Elle avait donné des drapeaux à la garde nationale de Versailles, et celle-ci étant allée la remercier, la reine lui dit: « La nation et l'armée doivent être attachées au roi “ comme nous le sommes nous-mêmes. J'ai été enchantée de « la journée du jeudi. » Ce jeudi était le jour du repas. On ne doutait pas enfin qu’elle n’en eût été instruite à lavance, et les esprits étaient déjà mal disposés. On fut persuadé que la reine était à la tête du complot d’enlever le roi ; Ce qui aurait entraîné la guerre civile. Et lorsque quelques jours après, un député, c'était M. Péthion, dénonça cette orgie à l'assemblée nationale, un autre député l'ayant défié de signer sa dénonciation , Mirabeau se leva, et dit qu'il signerait lui, et qu'il donnerait des Preuves, pourvu que l’assemblée déclarât qu’aucune personne dans le royaume quelle qu’elle fût n’était inviolable, hors le roi.

On à vu avec quelle rapidité Paris entier était échauffé ; soulevé, rassemblé, quand la chose publique était en péril. À la nouvelle du repas des gardes-du-corps , l'émotion devint générale. On proscrivit toute autre cocarde que celle de la nation, et quelques étourdis qui en portaientune noire coururent risque de la vie. On s’écriait que le complot était visible ; que le mépris de la cocarde nationale et le refus de boire à la santé de la nation étaient une véritable déclaration de guerre; que l'apparition de beaucoup de chevaliers de St-Louis , et d’uniformes étrangers, et de cocardes d’une seule couleur, prouvaient le complot; qu’il était temps de terminer tant d’inquiétudes; et que puisqu'on voulait enlever le roi pour le mettre à la tête d’un parti, il n’y avait qu’à prendre le devantetl’amener à Paris. À ces mouvemens se joignirent ceux du peuple, qui, lassé de souffrir de la famine ; et persuadé que la présence du roi ferait cesser la rareté du pain, dont le projet de sa fuite était la cause, souhaitait également de le posséder à Paris.

Vouloir et exécuter furent l'affaire d’un jour. La faim fit sortir des faubourgs une multitude de femmes qui criaient qu'il fallait aller chercher le roi, et ce sentiment terrible de mères qui ne peuvent donner du pain à leurs enfans fut le mobile de cette journée. Rien ne put y résister. Elles se porièrent à l’hôteél-de-ville, au milieu des hommes armés rassemblés ‘sur la place, Des hommes déguisés en fem-