Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

CONSTITUANTE. 65

été patriotes; et leur faute devait être attribuée sur-tout à leurs chefs, qui étaient courtisans, et à ceux de ce corps qui, arrivés depuis peu, n'avaient pas été témoins des crises, des travaux et du courage de l’assemblée nationale. L'assemblée envoya une députation au roi pour lui porter les représentations des Parisiens sur le manque de subsistances. Sa réponse fut telle que les citoyens pouvaient la désirer. Ce ne fut que sur les dix heures du soir qu'il lui envoya son acceptation pure et simple de la déclaration des droits et des articles constitutionnels. Ainsi , depuis six mois, on le faisait toujours reculer devant l'opinion publique, qu’il eût toujours précédée s’il eût été mieux conseillé. Nous avons vu, de nos jours, le roi de Pologne se mettre luimême à la tête de sa révolution, et la fixer au point qui lui a paru convenable, tandis que, chez nous, les extravagances de la cour et des ordres ont accéléré les progrès de la nation vers la liberté. C’est que, chez nous, la cour était toute-puissante et en possession de gouverner. Depuis trente ans l’homme le moins puissant du royaume c'était le roi.

Après que les femmes furent parties de Paris il en sortit aussi des hommes armés de piques, de haches, de bâtons pointus, dont la haîne se portait sur-tout contre la reine et contre les gardes-du-corps. Parmi eux se trouvaient des hommes de figure étrange, et qui semblaient y avoir été appelés; car le peuple de Paris a sa physionomie, et ceux qui le connaissent savent bien distinguer les étrangers qui s’y confondent. Ces bandes farouches avaient précédé la garde nationale, dont il faut bien la distinguer : elles causèrent tout le désordre du lendemain.

On avait rassemblé autour du château les forces militaires de Versailles. Le roi, qui revenait de la chasse ; et qui n’entendait parler que de femmes, avait défendu de tirer. Cependant le tumulte était grand de toutes ces bandes attroupées ou dispersées, voltigeant, et changeant à tout moment de mouvement et de formes; Parisiens, Versaillais, hommes , femmes, gardes nationales, c'était une confusion en decà de la grille. On dit que le sieur Brunout, soldat parisien, voulant s’avancer vers la grille, fut repoussé par les gardes-du-corps, que M. de Savonières et deux autres le poursuivirent le sabre à la main, et que M. de Savonières ayant recu un coup de fusil, ce fut le signal de la haîne des gardes du roi et des gardes nationales de Versailles. Celles-ci tirèrent plusieurs coups sur les gardes du roi, qui se retiraient : malheureusement encore, au moment où une députation de gardes du roi, sans armes, portait une lettre d’honnéteté à la garde nationale de Versailles,

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