Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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il partit une salve de coups de fusil. La gardenationale se crut trahie; et la fureur s'emparant des esprits, on charge les fusils, on braque les canons; et tout annoncait encore du désordre quand à minuit, il arrive par trois chemins quinze mille hommes de Paris, traînant du canon et ayant à leur tête M. de la Fayette. Heureux s'ils fussent arrivés six heures plutôt !

IL en avait lui-même envoyé l'avis au château. Soit frayeur réelle, soit que le moment fût venu d'exécuter le projet de faire fuir le roi, on prépare des voitures et on le presse de s’enfuir. Mais ces voitures furent arrêtées par lagarde nationale de Versailles, et le roi refusa absolument de partir. Il déclara qu’il aimait mieux périr que de faire couler le sang des Français pour sa querelle. Ce sentiment pur du roi, qui l’a toujours guidé, sauva la France, et prouve qu’on lui avait laissé ignorer le projet. Il paraît qu’on avait intention de profiter de la terreur du moment pour engager le roi à fuir, et que toutes les dispositions étaient faites afin d’avoir des forces suffisantes pour l’escorter.

M. de la Fayette, sûr de la garde nationale, parvint à tranquilliser l’assemblée et le roi. 1] logea sa troupe dans Versailles, et la plus parfaite tranquillité régnait dans la ville lorsqu’il se retira dans son hôtel, à cinq heures et demie du matin, pour écrire à la municipalité de Paris l’état des choses et la tranquilliser.

Sur les six heures, les brigands qui, dans la nuit s'étaient tenus rassemblés en divers pelotons, ou dans la salle même de l’assemblée, laquelle avait été forcée de céder la place à la multitude, s’avancèrent vers le château. Ils trouvèrent des passages mal fermés, et inondèrent les cours. On voulut leur défendre l’entrée du château, et un homme fut tué. Cette multitude, ivre de fureur, se jette sur les gardes-du-corps, qui se replient sur lesappartemens, décidés à y faire la plus vive résistance. Les brigands proféraient mille imprécations contre la reine ; et l'espoir du pillage animant leur fureur, ils attaquaient toutes les portes au hasard. Le roi et la reine se cherchaient, également inquiets , mais le zèle et la prudence des gardesdu-corps les rapprochèrent. La reine n’eut que le temps de mettre quelques habits et de passer chez le roi.

Cette insurrection , où plusieurs gardes du roi furent blessés, fut prompte et rapide. M. de la Fayette, qui en est instruit, envoie sur-le-champ ses aides-de-camp qui étaient auprès de lui, pour rassembler la gardenationale, ily vole lui-même, et bientôt les grenadiers nationaux entrent dans le château, s’en emparent, chassent les brigands au moment où ils enfoncent l'appartement du roi, dispersent ceux qui se livraient au pillage; et le calme est rétabli dans le château.