Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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gager le roi par la peur à se jeter dans le parti desprivilégiés, afin que, sous son nom, l’on püt faire la guerre à son peuple. On a dit que M. d'Orléans avait formé le projet de profiter des désordres pour se faire nommer régent du royaume : mais, outre que, malgré les recherches du châtelet qui ne l’aimait pas, il n’a rien été découvert de ce complot , M. d'Orléans avait bien peu de moyens en sa faveur et bien des chances contre lui. Et quant à Mirabeau, qu’on accusait de le soutenir, on sait qu'à cette époque il n’était pas bien vec M. le duc d'Orléans. Enfin le projet, qui a été renouvelé depuis par M. de Breteuil et M. Bouillé, d'emmener le roi à Montmédy, justifie les conjectures que le public avait formées sur le corn plot de le conduire alors à Metz.

Cependant M. d'Orléans, de concert avec M. de la Fayette, se fit donner par le roi une commission pour l’Angleterre. Les motifs de cette absence étaient sur-tout d’ôter aux mal-intentionnés un prétexte de se servir de son nom pour exciter des mouvemens tumultueux dans Paris, et que M. de la Fayette en aurait plus de facilité pour maintenirla tranquillité dans la capitale. Tel fut l'exposé présenté par M. d'Orléans lui-même à l'assemblée nationale, au mois de juillet suivant, et que M. de la Fayette ne démentit pas.

L’assemblée nationale tint encore quelques séances à Versailles, en attendant qu'on eût disposé à Paris un local convenable. Libre alors des sollicitudes dont elle avait été constamment fatiguée, elle s’oceupa de la constitution. Seslongues et continuelles séances étaient employées, ou à discuter ces questions importantes desquelles dépendait le bonheur de la postérité ou à calmer les désordres qui s’élevèrent en divers lieux dans ce long interrègne des lois. Dans l’espace de trois mois elle organisa les municipalités etlesassemblées primaires; elle fixa les qualités des citoyens pour les élections ; donna des lois provisoires sur la jurisprudence criminelle et sur les émeutes ; régla les travaux les plus pressés sur lesimpositions; abolit les lettres-de-cachet; se fit rendre compte de l’état des Pensions ; et commenca divers travaux sur l’armée ; dont elle augmenta la paie; sur la finance, pour laquelle elle établit la Caisse de l'extraordinaire; sur la marine, où elle porta des vues d'économie. Bientôt il n’y eut plus ni féodalité, ni priviléges, ni ordres ni corporations. La vénalité des charges était abolie : la nation avait repris ses droits de décréter les lois et les impôts, et la France ne voyait plus que des citoyens rétablis dans leurs droits oubliés depuis tant de siècles.

Sur-tout elle profita du généreux enthousiasme des FranCalS pour anéantir sans retour les priviléges des provinces. Ces privilégesavaient été, dans les temps despotiques, la seule