Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

CONSTITUANTE. 69

espérance des amis de la liberté ; espérance toujourstrompée, parce que les ministres y avaient apporté, avec un art plus raffiné, toute l'influence du despotisme. Ceux qui, ne pouvant détruire le royaume, espéraient encore de le déchirer, s’efforçaient d'engager les provinces d'états à réclamer leurs droits. C’est qu’elles étaient organisées en trois ordres, et qu’ils voulaient conserver les ordres. Mais la nation, éclairée sur ses prétentions, ne pouvait pas donner dans le piége ; et l'assemblée nationale fut obéie avec transport quand, sur le plan de M. l’abbé Sieyes, elle ordonna ladivision du royaume en 83 départemens, subdivisés en districts et en cantons. De toutes les parties du royaume accoururent plus de deux mille députés des villes et des bourgs, pour faire valoir leurs prétentions; et, après trois mois du travail le plus étonnant et le plus pénible, la division fut achevée. Ainsi l’on put dire qu’il n’y avait plus de provinces : ce mot a même disparu de notre langue. Ainsi le royaume fut un, et la crainte des républiques fédératives fut dissipée.

Mais la question qui occupale plussérieusement l'assemblée nationale fut celle des biens du clergé, qu’elle voulait présenter à l’état comme le gage de son salut, comme le seul moyen de payer son immense dette, et de la sauver de l’ignominieuse ruine de la banqueroute. Elle trouva dans son sein les plus violentes oppositions : mais enfin il fut décrété que tous les biens ecclésiastiques étaient à la disposition de la nation, à la charge de pourvoir d’une manière convenable aux frais du culte, à l'entretien de ses ministres, et au soulagement des pauvres. Il fut ordonné qu’un curé ne pourrait avoir moins de douze cents livres par année, non compris le logement et les jardinsen dépendans. Ge fameux décret, rendu le 2 novembre 1789, fut promulgué le 3, et accepté le 4 par le roi. Le5 l'assemblée nationale acheva de porter le dernier coup aux ordres privilégiés par ce simple décret devenu constitutionnel en France : 1L N°Y A PLUS DE DISTINCTION D'ORDRES.

Telle était la multitude des abus dont toutes les parties du gouvernement étaientembarrassées, que l'assemblée nationale ne pouvait créer sans détruire. Mais aussi elle souleva contre elle une multitude d’ennemis. Ma plume ne suffirait pas à rapporter tous les moyens qui furent employés à-la-fois pour décréditer l'assemblée nationale, dont l'autorité avait un grand ascendant sur l’esprit des peuples ou pour l'arrêter dans ses travaux, ou pour en retarder l'exécution. Le clergé, irrité de voir ses biens aliénés, et d’être réduit à des salaires, employa les moyens familiers à l’église, et qui, peut-être, auraient réussi sans la suppression de la dîme, si bien accueillie dans les campagnes. [laccusait l'assemblée nationale de vouloir détruire