Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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la nation étaient unis d’un même vœu; qu'il défendrait la liberté constitutionnelle, dont le vœu général, d'accord avec le sien, a consacré les principes; et que, de concert avec la reine, il préparerait de bonne heure l'esprit et le cœur de son fils au nouvel ordre de choses que les circonstances avaient amené.

Quand le roi se fut retiré, l'assemblée lui vota une adresse de remerciement; et, profitant de la consternation où cette dé- . marche du monarque avaitjeté la minorité de ses membres, et voulant les engager à se réunir avec elle au roi et à la constitution, elle décréta que tous seraient tenus de prêter le serment civique, et qu'aucun ne pourrait voter sans l'avoir pro: noncé. Elle décréta aussi une adresse aux provinces, pour leur rappeler ce que l’assemblée avait fait en faveur de la liberté publique, leur annoncer ce qu’elle se proposait de faire pour l'entière régénération de l'empire, et les garantir des impressions défavorables que l’on cherchait à leur donner.

Cette démarche évidemment libre du roi déconcerta quelque temps les ennemis de la chose publique , mais elle ne les fit pasrenoncer à leurs projets. D'un côté ils affectèrent de continuer à le représenter comme un martyr , et à se décorer du titre de royalistes ; mais, d’un autre côté, ils crurent pouvoir placer des espérances plus solides dans les princes fugitifs, et dansl’assistance quedevaientleurdonner, àce qu’ilsdisaient, toutes les couronnes de l’Europe. Les mécontens se multipliaient à mesure que l’assemblée nationale faisait des réformes; ses plus zélés partisans étaient quelquefois étonnés de son audace , etsesennemis affectaient de mépriser son imprudence. Ils assuraient que ses travaux ne seraient d'aucune durée , et qu’on serait bientôt obligé d’en revenir à l’ancien régime, ou d'accepter du moins les conditions de la séance royale, dont ils n’ont pas cessé de vanter la sagesse paternelle.

Décidés à reprendre leurs droits, ou du moins à se venger ou périr, ils employèrent à-la-fois tous les moyens que fournissaient à chacun son ancien état, ou son ancienne influence. L'armée avait toujours été leur espérance ; on n’épargna rien pour la détacher de la cause de la nation: mais les régimens , à l'envi, donnèrent les plus fortes preuves de patriotisme; et dès-lors l'armée fut divisée, comme la nation, en deux partis, les privilégiés et le tiers-état, les officiers et les soldats.

Alors on chercha à diviser les régimens , à les aigrir et à les corrompre ; ce qui produisit quelques scènes fâcheuses dans le Hainaut, frontière de l’empereur; dans le Languedoc, où les émigrés de Turin et de Nice avaient des intelligences; mais la vertu nationale, le patriotisme prit le dessus, et les soldats trompés , reconnurent bientôt leur erreur ; ils dénoncèrent eux-mêmes les brochures perfides par lesquelles on cherchait à leur faire haïr la constitution.