Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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s’en laissèrent aveugler; et plusieurs villes furent teintes de sang pour des querelles insensées. Mais ces fureurs ne se propagèrent pas; ce furent les derniers hurlemens du fanatisme dans des contrées qu’il était en possession d’ensanglanter.

On se plaignait en même temps de ce que le ministère rassemblait des troupesen Bretagne , où les villes disaient qu’elles n'étaient pas nécessaires ; de ce qu’on en dégarnissait les frontières, où les villes alarmées en demandaient; de ce que les gardes nationales de ces frontières étaientsans armes, tandis que l’empereur, le roi de Sardaigne, et celui d'Espagne, rassemblaient des troupes qui semblaient destinées à nous investir; de ce que la ville de Marseille était remplie de soldats comme si l’on eût voulu donner une entrée à la flotte espagnole.

Les mécontens allèrent chercher jusqu’en Allemagne et en Angleterre des écrivains disposés à les soutenir. Ils faisaient traduire leurs écrits en notre langue, afin de persuader auxesprits inattentifs que nous étions blâmés de tous les peuples de l'Europe. Mais ils ne persuadaient que ceux qui voulaient bien l'être, chacun reconnaïssait, dans ces ouvrages, les matériaux

u’ils avaient eux-mêmes fournis.

Plusieurs des financiers que mécontentait le nouvel ordre des choses tâchaient d’entretenir ce désordre. Ils refusaient de percevoir les impôts ; ils s’attachaient a décréditer les billets nationaux, connus sous le nom d’assignats parce que leur paiementestassigné sur une hypothèque de plusieurs milliardé. Ils affectaient de les comparer à des billets qui ne seraient hypothéqués sur rien. Ils prédisaient même que les biens nationaux ne se vendraient jamais.

Dans le sein de l'assemblée le parti des privilégiés s’attachait à retarder les opérations pour prolonger l'anarchie ; à vicier les décrets , quandil avait la prépondérance , pour faire faire de mauvaises lois ; à la troubler par des scènes scandaleuses, pour lui ôter l'estime publique; à se proclamer les amis du roi, pour faire croire que les patriotes étaient ses ennemis : sa correspondance active répandaït dans les provinces toutes les brochures que lui dictait sa politique, et tous les projets qu'il jugeait convenable de faire exécuter. Tout le monde était convaincu que les chefs de ce parti étaient d'intelligence avec Ja reine , chez laquelle ils allaient souvent ; et ces conférences s’appelaient le comité autrichien, parce qu’on pensait que l’empereur en était le principal appui. Un de ses grands moyens était de faire lire au roi des journaux soi-disant populaires , et remplis d’atrocités contre sa personne , afin de le dégoûter de sa situation, et de l’engager à s'enfuir quand le moment favorable serait venu. Aussi plusieurs soupçonnaient qu'ils ga-

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geaient eux-mêmes les auteurs de ces journaux frénétiques.