Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

CONSTITUANTE. 5

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Mais les députés du parti patriote mettaient autant d’activité à déjouer ces complots , que leurs adversaires à les former. La nation, agitée par ces impulsions contraires, n’en était que plus impatiente et plus active : éclairée sur ses intérêts , elle ne se laissait tromper par aucune sorte d’hypoecrisie. Ces multitudes d'adresses et de dons patriotiques manifestaient déjà l'opinion publique : mais enfin les citoyens de Bretagne et d'Anjou, fatigués de tant d’agitations par lesquelles on voulait fondre le courage des Français , selièrent par une grande fédération armée. Le reste du royaume les imita , également lassé des obstacles qu’on opposait à sa liberté. On ne vit par-tout que des bandes citoyennes , qui , rassemblées par milliers, juraient de vivre libres ou de mourir. L’éclat des armes , la musique militaire, les drapeaux flottans, la douce fraternité qui liait tant d'hommes à la même cause, tout réveilla dans les cœurs l'enthousiasme de la liberté. Les troupes de ligne désirèrent de prendre part à ces fédérations : plusieurs de leurs chefs et le ministère s’y refusèrent pendant long-temps ; mais enfin le roi lui-même permit aux soldats d’être patriotes. La France vit se lever quatre millions d'hommes armés, instruits de leurs forces et sur-tout de leurs droits.

Tandis que par-tout on repoussait les tentatives des mécontens par un grand appareil de puissance , et que la terre eufantait des armées, l’assemblée nationale avancait ses travaux. Elle avait rendu une foule de décrets successifs pour la conservation des biens du clergé que détruisaient en plusieurs lieux des mains amies et ennemies. Elle avait réglé tout ce qui était nécessaire pour la conservation de ce gage précieux de la dette nationale et pour l’entretiendesecclésiastiques. Elleavait suspendu les vœux monastiques , elle finit par les supprimer, et fixa un traitement aux religieux de l’un et de l’autre sexe. De nouveaux bienfaits pour le peuple signalaient sonzèle, Elle supprima les droits sur les cuirs ,sur les huiles et savons , sur lamidon , et sur la marque des fers, droits ruineux dont tous les cahiers avaient demandé la suppression; et elle pourvut à leur remplacement. Sur-tout elle supprima la gabelle , impôt détestable et désastreux, contre lequel on avait inutilement réclamé dans plusieurs états-généraux, et qui depuis plusieurs siècles , avait été la cause de beaucoup de séditions et de supplices. Les besoins de l’état l'obligèrent à le remplacer provisoirement par une contribution plus supportable. Aïnsi, depuis , elle supprima l'impôt onéreux sur le tabac ; et ces deux denrées , le tabac et le sel , devinrent un objet de commerce. Le peuple sentit l'avantage qu’il y avait de ne payer qu'un sou le sel qui, auparavant , lui en coûtait jusqu’à quatorze .