Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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actes entre les citoyens. Mais la lenteur inévitable danslaconfection de ce travail, et sur-tout dans son exécution , dans la formation des bureaux, dans la nomination auxemplois, dans la confection des rôles et la répartition des impôts, en retarda la perception. D’autres circonstances s’y Joignirent. Les anciens préposés, sûrs d’être déplacés, ne s’occupèrent plus que de leurs intérêts particuliers ; ils négligèrent lerecouvrement qui leur était prescrit , et quelquefois ils espérèrent que leurs délais retarderaient ou détruiraient le mouvement de cette nouvelle machine. Les directoires, surchargés de travaux, ne ‘purent accélérer ceux concernant les impositions. La mauvaise volonté des citoyens, en quelques lieux, arrêta souvent les administrateurs. Les mal-intentionnésseplaisaientà annoncer au peuple qu’il paierait beaucoup plus d'impôts qu’auparavant : et, quoique le contraire fût évident aux yeux de ceux

ui peuvent embrasser d’un coup-d’œil tout l’ensemble, ils faisaient illusion à cette partie du peuple dont le désir serait toujours de ne rien payer du tout. Enfin plusieurs administrateurs qui de l’ancien régime avaient passé dans le nouveau y apportaient assez de malveillance ou de négligence pour retarder lesopérations quileur étaient confiées. Les contributions étaient arriérées. La nation donnait peu et dépensait beaucoup. Les mécontens et les émigrés la forcaient à faire des frais d’armemens poursetenirsur la défensive. Ils accaparaient ou emportaient hors du royaume le numéraire pour épuiser la nation, et rendaient ainsi le paiement des contributions plus difiicile. Nos rapports commerciaux avec les étrangers étant à notre désavantage, et les intérêts de notre dette envers eux devant leur être payés, le numéraire sortait et ne rentrait pas; le change haussait et les citoyens étaient plus gênés. Lanation, inquiète et nonifas effrayée de cette situation, s’en consolait en pensant que l’immensité des biens nationaux supléerait à ces pertes passagères : elle suppléait à la monnaie d'argent, qui s’enfuyait, par de petits assiggats qui ne pouvaient pas sortir. Le gouvernement alors indécis , le ministère suspendu, et poussé en sens contraires par l'assemblée et par la cour, la cour elle-même décidée à renverser le nouveaurégime, empéchaient, par leurs sentimens très-connus, l'établissement du nouvel ordre de choses. Cet interrègne étaitun chaos. La lutte entre le bien public et les priviléges subsistait toujours , et le mouvement général était suspendu tandis que les combattans étaient aux prises.

Véritablement l’histoire ne présente aucun exemple d’une révolution intérieure pareille à celle que la France venait d’éprouver. Elle n'avait qu'un seul principe; c'était de réformer les abus. Mais comme tout était abus dans cet empire, ilenré-