Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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sulta que tout fut changé. En déplaçant les choses on déplaca les hommes; et la constitution fit disparaître ceux qui étaient sur la premièrescène pour en amener de nouveaux. Les plaintes et les cris des premiers étaient fondés sur la perte de leur gran deur précédente. Ils ne considéraient pas qu’étant identifiés avec labus, la loi qui supprimait l'abus ne pouvait conserver la personne, ou que si elle conservait la personne, il fallait qu’elle gardât aussi l'abus. Chaque corps avouait la nécessité de réformer les autres et prétendait être respecté : mais lorsqu’ils se virent successivement attaqués, ils voulurent faire cause commune : leurs combats néanmoins ne furent que des escarmouches, et leurs vengeances ou leurs intrigues partielles ne causaient que du désordre et non unretour, devenu impraticable. En faisant le mal général sans profit. pour eux, ils justifiaient eux-mêmes la révolution. L’absurdité de leur coalition était frappante sur-tout quandils provoquaient à grands cris la banqueroute, à laquelle ils auraient perdu plus que personne, puisqu'aucun d’eux n'aurait été payé. Tous étaient créanciers ou pensionnaires de l’état; mais ils regrettaient de n'être plus ses maîtres. Et ce qu'il faut remarquer, c’est que la nation , qui payait plusieurs milliards dedettes, était contente, et que ceux qu’elle payait ne l’étaient pas. La raison en est évidente : ils voulaient être puissans, et elle voulait être libre.

Les passions et les préjugés ontun terrible ascendant sur les hommes, puisqu'ils les portent à juger souvent contre l’évidence ou contre leurs propres intérêts. La nation francaise ne voulait pas faire banqueroute, et ses propres créanciers la poussaient à la banqueroute. Il est incontestable qu'elle aurait cu lieu sans les états-généraux, et ils maudissaient les étatsgénéraux. Le clergé avait avancé qu'il n'avait que cent trente millions de revenus, et il se plaignait de la nation qui lui en donnait cent soixante. Elle remboursait plusieurs centaines de millions aux titulaires, et les titulaires regrettaient l’ancien régime, qui aurait fini par ne pas les rembourser. On échauffait les étrangers contre l'assemblée nationale, et celle-ci garantissait à plusieurs d’eux le capital et les intérêts d’une créance immense. Ils redemandaient tous l’ancien gouvernement, qui les aurait incontestablementruinés, si l’onen excepte peut-être le clergé, accoutumé à se tirer de par-tout. A la vérité le roi de Prusse prédisait ; il y a trente ans, que les prodigalités de la cour de France l’amenéraient à prendre les biens du clergé Pour payer les dettes du roi : mais aucun roi n’aurait eu assez de puissance. .

Cependant la France se présentait aux spectateurs, et aux étrangers qui y voyageaient, sous une face bien différente de ce qu'ils l'avaient vue autrefois : tout était changé.Cette coursi