Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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Ce fut de ces efforts des privilégiés dans l'intérieur du royaume que naquirentplusieurs tentatives partielles contre la liberté, qui se terminèrent par l’effusion du sang; car on peut assurer que les privilégiés en ont fait verser, par leurs complots, infiniment plus que le peuple par ses vengeances. Les officiers s’efforcaient de diviser les soldats entre eux, ou de les opposer aux citoyens, où de les indisposer contre l'autorité civile: ils pensaient que le despotisme militaire devait plaire à des hommes fiers des armes qui leur ont été confiées. Ils donnèrent des milliers de cartouches jaunes et infamantes à tous les sons-officiers ou soldats dontle patriotisme les embarrassait , espérant de mieux disposer à leur gré des autres. D'un autre côté les soldats, égarés par des insinuations exagérées , ou par leur haîne contre leurs chefs, se livraient à l’indiscipline, et chassaient eux-mêmes leurs officiers. C'était sur-tout dans les provinces frontières que ces mouvemens avaient lieu , en Flandre, en Alsace, en Lorraine, en Roussillon, parce que le voisinage des émigrans exaltait ces deux passions contraires, le patriotisme des soldats, et la fureur des officiers.

Les prêtres, de leur côté, continuaient à former entre eux cette ligue immense, la plus sûre, la plus forte et la plus facile de toutes, parce qu’ils ont aussi leur discipline, leur uniforme, leur tactique, leurs ruses de guerre, leur mot du guet, parce qu’ils tiennent les esprits par le plus fort des préjugés , et que leurs troupes leur sont plus dévouées que des soldats ne le sont au général le plus puissant et le plus habile. Ils disaient au peuple que la religion était perdue. De là vinrent, dans les provinces méridionales, ces scènes tragiques qui retracèrent à nos yeux les horreurs des croisades.

Paris était le centre de tous ces mouvemens divers. L’assemblée nationale et la cour étaient constamment en opposition ; et, quoique le roi sanctionnât ou tard ou tôt les décrets , on n’ignorait pas les intentions et les intrigues de ceux qui le conseillaient. C'était de Paris que partaient les projets uniformes qui se distribuaient dans les départemens. Les députés patriotes avaient forméune société où ils discutaient à l’avance les décrets de l'assemblée nationale. Ils s’assemblaient aux Jacobins ; et comme ils y admirent ensuite des citoyens de tous les ordres , afin de former l’esprit public, cette société eut Ja plus grande influence , et une foule de sociétés du royaume s’affilièrent à elle. Les privilégiés, deleur côté, formèrentaussi des sociétés, tantôt sous le nom d’impartiaux, mais dont la politique inactive était une véritable partialité, puisqu'elle tendait à ne point avancer; tantôt sous le nomde club monarchique. Ceux-ci, plus découverts, ne cachaient point leur haîne ; le nom du roi leur servait de prétexte, et ils ne mirent