Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

CONSTITUANTE. 95

cice prussien et hessois. Ils insultaient la France, comme des enfans se joueraient d’un géant malade. On voyait les routes couvertes de courriers qui parcouraient tous les chemins depuis Pétersbourg et Venise jusques à Rome et à Madrid. Partout on annonçait la ligue universelle : et, sortant de son pays de Jacs et de frimas, le roi de Suède devait en être le chef,

Dans ce mouvement général , et qu’exagéraient les privilégiés , la révolution française s’agrandissait dans l'esprit des autres peuples, précisément parce que tous lesroisse croyaient intéressés à s’y opposer; tant de bruit était un éloge. Et cependant , sans numéraire, sans alliés, sans appui , la France n’était pas disparue de dessus le globe , comme le disait Burke

dans le sénat anglais, mais elle était seule : et c’est peut-être le seul peuple de l'Europe qui dans un même instant, ait été abandonné de tous les autres.

Des mouvemens qui lui étaient en quelque manière étrangers ajoutaient cependant à ces sollicitudes. Les pays d’Avignon et du Comtat, enclavés dans le royaume, et dépendans autrefois du comté de Provence, aliénés au pape par une princesse obsédée, mineure, et qui, devenue majeure protesta contre cette aliénation ; ces pays voulurent être libres. Ils résolurent de se réunir à l'empire français dont la Provence faisait partie. Nos rois les avaient souvent repris et souvent rendus, mais toujours en se réservant leurs droits. L’assemblée nationale fut sollicitée par eux de les incorporer à l'empire français; et long-temps elle s’ÿ refusa ,se réservantnéanmoins les droits de la nation. Mais ces pays, sans chefs, sans juges, sans pouvoir exécutif, se virent bientôt désorganisés. Des partis opposés s’y élevèrent, et une guerre civile ensanglanta ce beau territoire. La France, protectrice naturelle de ces voisins abandonnés, qu’elle regardait comme des concitoyens, n’y porta que de faibles secours et une autorité malsoutenue; les ravages y devinrent affreux ; les départemens voisins s'en ressentirent, et la guerre du Comtat devenait une guerre nationale par le fanatisme qui s’y mêla. Alors l’assemblée nationale réunitee pays à l'empire francais, et fit offrir au pape les remboursemens qui seraient jugés convenables. Elle ne devait plus trouver qu’un pays ruiné pour long-temps, une dette considérable, les biens de l’église dissipés , des campagnes ravagées , des hommes peu mûrs encore pour la liberté, et qui passaient trop rapidement du despotisme des prêtres au despotisme de la loi: mais elle écartait du midi les flambeaux de la guerre civile.

Les colonies, qui tiennent à la France par des liens précieux, et qui contribuaient à sa prospérité, étaient un objet bien plus intéressant, Mais la révolution devait être funeste à