Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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la métropole et aux colonies. Des priviléges furent la cause de ces malheurs, et les prétentions prématurées des hommes de couleur, et l’orgueil hors de saison des hommes blancs, perdirent de concert la superbe colonie de St-Domingue. Les mulâtres ou hommes de couleur libres sont les enfans d’un blane et d’une négresse à qui leurs pères ont donné la liberté, et dont le plus grand nombre est propriétaire. Leur race, en se propageant, voit son teint s’éclaireir ,.et elle se multiplie plus que celle des blancs, qui, d'ailleurs, aspirent tousàretourner dans leur patrie. Ils vivaient dans un état d'abjection tel que le père blanc ne mangeait pas avec son fils coloré. Ce préjugé était fondé sur ce que ces hommes sortaient en partie d’une race esclave ; et il était entretenu par la politique : car les blancs n'étant qu'un contre dix nègres ou noirs, ils s’étaient constamment attachés à leur persuader la supériorité de la race blanche, destinée par le ciel à commander à la race noire. Ts avaient cru nécessaire à leur politique ou agréable à leur orgueil de jeter le même dédain sur les hommes de couleur, quoique libres, parcequ'il y en a aussi qui sont esclaves.

À la première nouvelle de la révolution dela France, les colonies se livrèrent à une joie d'autant plus vive, qu'elles souffraient encore plus que la métropole du régime despotique. Mais bientôt le mot de liberté, si étranger à ces climats, y porta le trouble et les dissensions. Le nom de citoyen excita dansles hommes de couleur le désir de l’obtenir. Les colons blancs s’en alarmèrent; et leur alarme s’accrut par la crainte que les esclaves noirs et mulâtres ne demandassent aussi la liberté, dont leur ignorance ne pouvait leur permettre qu’un usage barbare et fatal à la colonie. Cette crainte était soutenue par la connaissance qu’ils avaient d’une société des amis des noirs existant en France, qui désirait leur liberté, mais dont on exagérait les principes. i

Les gens de couleur libres envoyèrent des députésen France pour demander d’être assimilés aux colons blancs , et ceux-ci se réunirent pour l'empêcher. Ces débats, long-temps prolongés et transportés d’un monde à l’autre, aigrirent des esprits si propres à s’enflammer sous un ciel brülant. L'assemblée na- . tionale , occupée de cette question qu’il lui fut im possible d’écarter, l'était en même temps à faire rentrer dans le devoir une assemblée coloniale qui aspirait à l’indépendance de la métropole, et que le commandant pour le roi parvint à dissoudre, Cependant l'assemblée nationale déclara que la constitution francaise n’était pas faite pour les colonies, auxquelles il fallait un régime particulier; qu’il ne leur serait pas donné sans les consulter, et qu'elle ne pronongerait sur l’état des hommes dans les colonies que sur leur demande précise et for-