Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

CONSTITUANTE. 97

melle. Heureuse si, dès-lors, elle eût envoyé des commissaires ! ce qui ne fut décrété que quatre mois après, et ne fut pas exécuté. Quelques gens de couleur, à la tête desquels se mit un des députés envoyés en France, et nommé Ogé, tentèrent une insurrection ; mais ils furent battus, et Ogé se réfugia chez les Espagnols de St-Domingue , qui le rendirent : il expira sur la roue. Tout parut calmé, mais la haîne ne le fut pas.

La France avait envoyé des troupes dans la colonie; mais elles y portèrent l'esprit d’insubordination qui existait alors dans le royaume , et des insinuations étrangères, Un régiment de l’île, nommé le régiment du Port-au-Prince, imbu de ces principes, qu’il exagéra, et poussé par les ennemis des officiers, assassina son propre colonel. Mais bientôt ce régiment indiscipliné fut enveloppé, embarqué et envoyé en Europe. Les pouvoirs étaient désorganisés; des municipalités étaient formées; mais les commandans pour leroi n’exerçaient qu'une autorité difficile et soupconnée.

Avec un de ses décrets l’assemblée nationale avait envoyé une instruction dont un article fut une source de divisions. Il portait.que toutes les personnes âgées de 25 ans accomplis, propriétaires d'immeubles, ou an moins domiciliées depuis deux ans, se réuniraient pour former les assemblées paroissiales. Les hommes de couleur n’étant pas exceptés de cette loi, qui appelait toutes les personnes, prétendaient y être compris, Ce fut aussi un sujet de débat dans l'assemblée nationale, au mois de mai suivant, lorsqu'elle s’occupa d’une loi qui fournît aux colonies un moyen de communiquer légalement leur vœu à la métropole, en formant une assemblée coloniale. Les défenseurs des gens de couleur, en alléguant les motifs tirés de la raison etde la justice, prétendaient que l'assemblée nationale avait déjà accordé, dans ses instructions, les droits de citoyens actifs aux hommes de couleur libres. Les débatssur cette question furent très-longs et très-vifs. Les députés etles défenseurs des colons blancs avouaient que le préjugé contre les hommes de couleur était absurde et injuste; mais ils disaient qu'il ne pouvait pas être détruit en un jour par un décret; que ce serait le fruit du temps et de leurs propres soins, et qu’une loi qui, tout-à-coup, éleverait ces hommes à côté des blancs E exposerait les colonies aux plus grandes calamités. L'assemblée voyait que, quelque loi qui fût portée, elle exciterait la haîne et peut-être la vengeance d’un des deux partis, dont chacun aurait deux cents mille nègres pour le soutenir, et que la fureur des uns et des autres était également funeste. Elle était d’ailleurs affectée de l'esprit d'indépendance qui avait régné dans l’assemblée générale, laquelle avait même ouvert ses

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