Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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ports aux étrangers, ainsi que des menaces que faisaient plusieurs colons blancs de se donner à l'Angleterre. Elle voyait ses colonies prêtes à se détacher de la métropole, quoi que ce fût qu’elle ordonnät. Dans cetembarras, et n’ayant à son pouvoir ni les moyens de force, puisqu'on n’osait y envoyer des troupes, dans la crainte qu’elles ne fussent débauchées, ni ceux de persuasion, puisque des commissaires ne partaient pas, elle se jeta du côté de la justice: elle rendit, le 15 mai, un décret par lequel elle statuait sur les hommes non libres et sur les hommes libres. Elle décrétait sur les premiers, qu’aucune loi sur l’état des personnes non libres ne pourrait être faite par le corps-législatif, que sur la demande spontanée et formelle des assemblées coloniales. Elle ordonnait sur les derniers, que les gens de couleur nés de pères et mères libres seraient admis dans toutes les assemblées; et que pour ceux qui ne seraient pas nés de pères et de mères libres, le corps-législatif ne prononcerait sur leur état politique que sur le vœu préalable, libre et spontané des colonies.

Ce décret, arrivé à Saint-Domingue, ne plut, dit-on, à personne. Les hommes de couleur eux-mêmes n’en furent pas satisfaits, parce que le plus grand nombre n’est pas né de pères et mères libres. Les colons blancs craignaient toujours, sur les nouvelles qui leur venaient d'Europe, que l'assemblée ne rendit quelque jour la liberté aux noirs. La haîne la plus violente se manifesta entre les blancs et les hommes de couleur. En France, tout nuisait au succès de la loi. Les colons blancs l'avaient envoyée sur-le-champ par un bâtiment léger, et avaient devancé de beaucoup l'envoi officiel. La lenteur des opérations et la faiblesse d’un gouvernement suspendu arrêtèrent le départ de l'instruction qui aurait pu rapprocher les esprits, et celui des commissaires. On n’envoyait aucune force pour soutenir la loi; et, au point de leur départ, les commissaires nommés se démirent de leur commission.

Cependant les nouvelles les plus alarmantes arrivaient de St-Domingue. Toutes disaient que la loi était inexécutable, et

ue la colonie était exposée aux plus affreux dangers. L’assemblée nationale rendit alors un décret qui remédiait aux inconvéniens qu'on lui présentait dans le premier. Mais il n’était plus temps : des mains perfides avaient brisé les chaînes des noirs ; on leur avait fourni des armes et des provisions de guerre ; des chefs déguisés les menaient au combat ou plutôt au massacre. Ils ravagèrent quinze lieues de pays, et se livrèrent aux plus horribles barbaries contre les blancs. Ces événemens sontsi récens, qu’il nous est impossible d’en donner un récit fidèle ; mais l’histoire fera connaître un jour les iraîtres qui ont ourdi ces perfides trames.