Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

CONSTITUANTE, : 4195

Tandis que l’assemblée prenait et reprenait ces grandes questions , elle faisait une multitude de lois administratives et judiciaires , et terminait par des décrets une foule de différends et de désordres que suscitait en divers lieux l'esprit de parti. Elle élevait en même temps un monument à la mémoire des hommes qui ont bien mérité de la patrie. Le défenseur éloquent de la liberté, Mirabeau , était mort au plus haut terme de la gloire, emportant les regrets de l’un et de l’autre parti; sa perte fut une calamité publique. L'assemblée nationale le déclara digne des honneurs décernés par la nation aux grands hommes. Ses obsèques furent honorées d’une pompe funèbre digne de lui , er ses restes furent transportés dans l’église de Sainte-Geneviève, devenue le Panthéon français. Ainsi, depuis, ce temple fut le dépositaire des cendres de Voltaire, dont le génie avait fait éclore tant de germes de liberté et dissipé les ténèbres épaisses qui couvraient l’Europe. J. J. Rousseau fut jugé digne des mêmes honneurs : déjà l'assemblée avait décrété qu'il lui serait érigé une statue. Les jardins d’Ermenonville garderont sa froide dépouiile ; un cénotaphe consacrera le souvenir de son nom et de la reconnaissance des Français.

Tandis que l'assemblée élevait ainsi des monumens aux apôtres de la liberté, et qu’elle décrétait des lois qui devaient la rendre durable, le despotisme s’occupait à renouer les anneaux brisés de sa chaîne. Les princes voisins faisaient, sous divers prétextes, approcher des soldats de nos frontières. La France était cernée de toutes parts de troupes étrangères, les Allemands au nord, les Espagnols au midi, les Italiens à l’occident. L’océan seul était libre; mais les Anglais avaient en armement une flotte considérable, qui pouvait à chaque instant bloquer nos ports. On parlait en même temps du prochain départ du roi pour Metz, où l’on disait qu’il serait entouré d’une partie de l’armée et soutenu par celles de l’empereur. Là , il devait, en conquérant, dicter des lois à son peuple soumis, où marcher pour le subjuguer rebelle. Les privilégiés, conquérans avec lui , devaient reprendre tous leurs droits.

Il ne devait rester personne en France de la famille royale, dans la crainte des vengeances du peuple. Mesdames, tantes du roi, partirent les premières, et se rendirent à Rome. Le peuple , qui prévoyait le but de leur départ, voulut inutilement s’y opposer; mais sur le bruit que Monsieur, frère du roi, se disposait aussi à partir, il se porta en foule à son palaïs, et exigea sa parole qu’il ne partirait point. Le prince le promit, et fut couvert d’applaudissemens.

Peu après arriva la fameuse journée des poignards. Tandis qu'un mouvement populaire était excité à Vincennes pour la